Action n° 91 : associations de patients et sponsoring de firmes pharmaceutiques : attention aux liaisons dangereuses !

L’industrie pharmaceutique australienne a remis récemment à ses membres un document [1] leur expliquant comment travailler plus étroitement avec les organisations caritatives (à but non commercial) dans le domaine de la santé et insistant sur les bénéfices de la sponsorisation des associations de patients. Ce nouveau guide explique aux firmes que cette sponsorisation augmente les chances d’un accord de remboursement de leurs médicaments par les pouvoirs publics. L’association australienne des consommateurs s’est alarmée de cette publication et particulièrement d’un tel lobbying des firmes auprès des patients.

Une enquête méticuleuse et systématique de ce phénomène du sponsoring des associations de patients s’est récemment déroulée en Hollande [2]. Environ 43% des associations interrogées ont accepté de répondre aux questions de l’enquêteur. Les prévisions budgétaires annuelles de ces institutions sont en général inférieures à 25.000 EURO, mais certaines disposent de plus d’un million d’euros. Dans 72% des cas, des médicaments spécifiques existent dans le domaine dont s’occupe l’association. Seules 3 associations répondantes reconnaissent un monopole d’une seule firme pharmaceutique dans leur sponsorisation. Le sponsoring par les firmes concerne surtout les associations avec un budget moyen (25.000 à 500.000 EURO). Dans 40% des cas il s’agit d’une sponsorisation générale.

Plus de 75% des associations sont d’accord avec la sponsorisation de leurs activités par l’industrie pharmaceutique. Elles divergent cependant beaucoup sur la notion de sponsorisation suivant différentes activités, et leur accord est majoritaire pour la sponsorisation des activités suivantes : promotionner (contre remboursement) un médicament via l’association, organisation et sponsorisation d’un séminaire ou d’une conférence au nom de l’association, réalisation du matériel d’information de l’association, paiement de projets éducatifs, sponsorisation générale (87,2% favorables). La majorité impose des conditions à la sponsorisation, sans document écrit cependant. Dans la majorité des cas, les membres de l’association ne connaissent pas cette sponsorisation.

Deux tiers des associations travaillant dans un domaine concerné par des médicaments spécifiques ont elles-mêmes entrepris les démarches pour une sponsorisation par les firmes, mais près de la moitié sont approchées par des firmes pour ce même motif. Seuls 18% des associations ne déclarent pas de contacts (actifs ou passifs) avec l’industrie du médicament.

Les associations affirment aussi (60%) que cette sponsorisation est indispensable à l’organisation de leurs activités (42%) ou à l’ampleur de cette organisation (52%).

Cette enquête montre, entre autres, l’interprétation différente du mot sponsorisation selon les organisations, ce qui rend son évaluation parfois difficile.

SUITES : LLG n°54, juin 2007

Réponse du Ministre de la Santé belge, Rudy DEMOTTE, au GRAS ce 19.03.2007 :

« Si la publicité auprès du public est interdite pour les médicaments sur prescription, nous savons tous que les firmes diffusent auprès de ce public de l’information sur les maladies ou la santé humaine soit directement, soit parfois en accordant un finance-ment pour ce faire à des associations scientifiques ou professionnelles.

Les informations relatives à la santé ou à des maladies humaines, pour autant qu’il n’y ait pas de référence, même indirecte, à un médicament ne sont pas soumises à la législation sur la publicité pour les médicaments.

Ces informations, qui ne répondent pas à la définition de la publicité, peuvent toutefois émaner de firmes de manière directe ou indirecte via par exemple le parrainage d’associations scientifiques ou professionnelles.

C’est la raison pour laquelle j’ai voulu soumettre ces campagnes d’information non publicitaire, quelle que soit la qualité de l’annonceur, à un certain nombre de critères communs avec ceux de la publicité pour les médicaments destinée au grand public et, notamment, à l’obtention d’un visa préalable lorsque ces campagnes sont diffusées à la radio ou à la télévision.

Dans ces cas, le visa est accordé sur avis de la Commission de contrôle de la publicité des médicaments. Ces obligations ont été transcrites dans l’Arrêté Royal du 22 décembre 2006 modifiant l’A.R. du 7 avril 2006 relatif à l’information et à la publicité concernant les médicaments à usage humain. »

SUITES : LLG n°56, décembre 2007

La campagne médiatique actuelle concernant la maladie d’ ALZHEIMER vise surtout à promouvoir le traitement médicamenteux de cette affection. Les messages qui y sont développés sont à l’emporte pièce et trompeurs : « 7 malades sur 10 n’ont pas accès au traitement (Le Soir 17.08.07) », « plus tôt dépisté = plus tôt soigné = gagner du temps sur la maladie. » C’est oublié que l’efficacité des médicaments anti-Alzheimer étant modeste et transitoire et leurs effets indésirables étant nombreux, il faut se demander régulièrement si leur prescription est réellement utile au patient.

Le minidossier de la revue Prescrire de septembre 2007 sur les médicaments de la maladie d’Alzheimer (www.prescrire.org à chercher à alzheimer) nous rappelle que le donépézil a un effet modeste et transitoire (quelques mois) chez environ 10 % des patients. L’efficacité des 3 autres médicaments n’est pas meilleure. À long terme, un essai comparatif randomisé d’une durée de 3 ans a montré que le donépézil ne retardait ni l’entrée en institution ni la perte d’autonomie chez les malades atteints d’une forme légère à modérée de la maladie d’Alzheimer. Le bénéfice de ces traitements est souvent trop modeste pour courir le risque de ces effets indésirables, cardiovasculaires et neurologiques parfois graves, voire mortels.

Les effets indésirables des anticholinestérasiques, parfois difficiles à distinguer des symptômes de la maladie d’Alzheimer, sont favorisés ou aggravés par de nombreuses interactions médicamenteuses.

Face aux prises en charge de type non médicamenteux (baluchonnage, cantous, cafés de la mémoire, snoezelen,…), cette médicalisation (Disease Mongering), cautionnée par l’association Alzheimer, pose problème alors que l’INAMI serait prêt à financer des initiatives non médicamenteuses.

A l’opposé de ce genre d’information biaisée, le livre de Selmès J et Derouesné C “La maladie d’Alzheimer – Activités et vie sociale” ( John Libbey Eurotext, Paris 2006 : 206 pages) se révèle un ouvrage pratique d’une grande lisibilité destiné à un très large public d’”aidants” de personnes en perte d’autonomie. Le chapitre consacré aux médicaments qui peuvent influer sur les activités est bien conçu. Il aborde diverses classes thérapeutiques, les présente sans enthousiasme excessif, et n’omet pas de signaler leurs effets indésirables.

SUITES : LLG n°63, 9/2009

La LUSS (Ligue des Usagers des Services de Santé) propose au politique un Décret relatif à la reconnaissance des associations d’usagers des services de santé. (cf. www.luss.be).

Par ailleurs, la Fondation Roi Baudouin (http://www.kbs-frb.be) analyse dans une étude récente la situation financière et les besoins des associations de patients en Belgique. Selon elle, la Belgique compte près de 350 organisations de patients : les subsidier davantage créerait un effet de levier. Dans leur grande majorité, elles sont très dynamiques et elles s’appuient surtout sur l’engagement de volontaires. Il s’agit souvent ici d’associations de taille relativement modeste, sous le statut d’asbl, qui comptent en moyenne 50 membres dans leur assemblée générale et 7,5 administrateurs. Autres chiffres révélateurs : 45 % des associations recensées fonctionnent avec un budget annuel limité, soit moins de 5.000 euros. Un autre groupe, qui représente 40 % du total, dispose d’un budget allant de 5.000 à 50.000 euros. Enfin, quelque 15 % de ces organisations disposent d’un budget annuel supérieur à 50.000 euros. Le budget total des associations de patients belges se situe entre 20 et 25 millions d’euros. De ce montant, seuls 4 millions d’euros proviennent de subsides des pouvoirs publics (3 millions d’euros vont directement aux associations de patients, un million aux coupoles et organisations de soutien). Une intervention plus importante des pouvoirs publics permettrait cependant d’obtenir un effet de levier sur le fonctionnement des soins de santé dans notre pays. Les patients pourraient ainsi mieux participer à la politique de soins de santé, ce qui permettrait de mieux utiliser les moyens qui leur sont consacrés. De plus, les associations de patients pourraient offrir des services qui ne sont pas proposés par le secteur des soins de santé. Ces organisations tirent leurs ressources essentiellement d’activités destinées à lever des fonds et de dons de personnes privées. Ces deux modes de financement leur procurent presque la moitié de leurs ressources. Les entreprises ne constituent pas parmi leurs grands soutiens, et certainement pas lorsqu’il s’agit de sponsoring structurel, non lié à des projets. Leur rôle change dès que le financement de projets est en jeu : les entreprises interviennent alors pour 36% du financement de projets. Les pouvoirs publics prennent 25 % de celui-ci à leur compte. D’autres ressources proviennent d’organisations comme la Loterie nationale, des fondations et des services-clubs. L’étude met aussi en lumière les difficultés que les associations de patients éprouvent à financer leurs projets : les coûts induits par les projets représentent 25 % des dépenses totales, tandis que les revenus directement liés aux projets ne représentent que 10 % des ressources. La différence est assurée par des ressources permanentes. Les volontaires constituent la colonne vertébrale des associations de patients. Cela vaut autant pour les grandes que pour les petites organisations. Les auteurs de l’étude ont calculé que la valeur économique de l’engagement des volontaires dépasse les 6 millions d’euros sur une base annuelle. Une extrapolation étendue à toutes les associations chiffrerait cette valeur entre 18 et 24 millions d’euros. La Fondation va s’attacher dans l’avenir à développer, tester et évaluer les bonnes pratiques en matière d’associations de patients ; elle va s’impliquer dans la formation et le coaching, pour accroître l’expérience nécessaire, et dans la recherche de possibilités réalistes pour la reconnaissance et le financement des associations.

Notes

[1] Burton B. Drug companies told to benefit from helping patient’s groups. BMJ 2005 ;331:1359

[2] Van Rijn van Alkemade EM. Sponsoing van patiëntenorganisaties door de farmaceutische industrie, onderzoeksverslag. DGV Nedelands Instituut voor verantwoord meecijngebruik mei 2005. (post@dgvinfo.nl.www.medicijngebruik.nl)