action n° 118 : CARENCE EN VITAMINE D (05/2009) : pour une politique active et coordonnée de prévention de la carence en vitamine D à tout âge

Interpellation des autorités compétentes en matière de Santé Publique (Ministres fédéral et communautaires de la Santé, Conseil Supérieur de la Santé).Carence en vitamine D – lettre à la Ministre fédérale de la Santé

Problème de santé publique négligé par les autorités en Belgique et dans le monde. La carence en vitamine D touche la majorité des personnes de plus de 65 ans dans notre pays et une part importante des plus jeunes. Le GRAS demande au ministre de la santé publique que ce problème soit évalué et pris en compte.

La vitamine D en question…
Ces dernières années de plus en plus de praticiens et d’articles scientifiques attirent l’attention sur la fréquence des carences en vitamines D au sein de la population adulte, même jeune, et sur ses potentielles conséquences sanitaires.

Cette vitamine lipophile est principalement fabriquée dans notre peau sous l’effet des rayons UV de type A. l’apport alimentaire est marginal (10 à 20%) et provient des matières grasses d’origine animale, essentiellement les poissons gras ou produits dérivés. Son rôle physiologique essentiel connu de longue date est de favoriser la fixation du calcium sur le tissu osseux.

La dose quotidienne recommandée est de 400 à 800 unités internationales (UI) ce qui correspond à seulement 15 à 30 minutes d’exposition solaire sur le visage et les membres supérieurs. La norme la plus souvent proposée est actuellement d’avoir une concentration sanguine supérieure à 75 nmol/l de sérum (30 ng/ml) : on estime qu’environ 1 milliard de terriens n’atteignent pas cette norme, et plus de 50% de femmes ménopausées également.. Sous 25nmol/l (10 ng/ml) apparaissent le rachitisme chez l’enfant ou l’ostéomalacie chez l’adulte.

Les personnes les plus à risques de développer une carence en vitamine D sont [1] : les nouveau-nés allaités, les personnes âgées, surtout si institutionnalisées (car sortent très peu voir pas du tout), les femmes portant voile ou burka, les personnes ayant la peau plus pigmentée (les personnes de race noire ont besoin de 50 fois plus d’exposition aux UVA) les obèses, les habitants des régions tempérées en hiver, les personnes souffrant d’insuffisance rénale ou d’une maladie provoquant une malabsorption des graisses.

Les recommandations préventives actuelles préconisent la supplémentation des personnes âgées vivant en institutions et des personnes très âgées dans le cadre de la prévention des fractures d’origine ostéoporotique à raison de 800 UI/jour, ce qui correspond pour la spécialité D Cure° à 10 gouttes par jour ou 1 ampoule buvable par mois, en association avec du calcium [2].

Une carence modérée en vitamine D (entre 10 et 30 ng/ml) est à l’origine d’une série de troubles généraux, comme de la fatigue, une sensation de faiblesse musculaire voire des douleurs musculaires [3], mais pourrait aussi constituer un facteur de risque pour certaines maladies plus invalidantes.

Ainsi une étude récente [4] sur 1739 sujets de race blanche appartenant à la 2ème cohorte du protocole de Framingham, âgés de 59 ans en moyenne, sans antécédents cardiovasculaires, suivis pendant 5 ans, montrait une augmentation de 100% de développer un 1er événement cardiovasculaire majeur en cas de vitamine D sérique inférieure à 15 ng/ml, chiffre restant à la valeur élevée de 60% après correction pour les autres facteurs de risques éventuels associés.

D’autres auteurs font état d’un possible lien entre carence en vitamine D et risque de sclérose en plaque dans les populations de race blanche ainsi qu’avec le risque de développer un diabète ou un psoriasis, trois maladie à composante auto-immunitaire.

Une étude canadienne [5] s’est intéressée à une cohorte de 512 femmes d’âge médian de 50 ans lors de leur inclusion dans l’étude entre 1989 et 1995 chez qui un diagnostic récent de cancer du sein avait été posé par les équipes des 3 hôpitaux de Toronto concernés. Ces femmes furent suivies jusqu’en 2006 (suivi médian de 11 ans) : parmi celles présentant une carence en vitamine D inférieure à 20 ng/ml, soit les ¾ d’entre elles, on en retrouvait encore 74% en vie après 10 ans, versus 83% dans le groupe des femmes non carencées. La carence en vitamine D affaiblirait-elle nos mécanismes de défense naturels, en particulier contre les processus tumoraux ?

Ce qui se traduirait dès lors par une diminution de l’espérance de vie comme semble l’illustrer une méta-analyse [6] qui a évalué l’impact en terme de mortalité toutes causes confondues à partir de 18 études internationales portant sur les effets des suppléments en vitamine D (plus de 57000 sujets concernés) : chez les personnes prenant de tels suppléments, le taux de mortalité était diminué de 7%.

La carence même fruste en vitamine D pourrait donc bien participer à la genèse d’une série de problèmes de santé aux répercussions sérieuses en termes de morbidité et de mortalité. Or, comme le souligne l’auteur d’une récente étude ayant démontré l’existence de cette carence au sein de la population pluriethnique d’une grande ville comme Bruxelles [7], « le nœud du problème c’est qu’il y a très peu de vit D dans l’alimentation habituelle. Toute la population… dépend à 80-90% de sa synthèse au niveau de la peau » [8]. On attendrait dès lors des pouvoirs publics qu’ils donnent des directives claires aux praticiens de première ligne et à la population quant à l’importance ou non de supplémenter, pour quelles populations en priorité et à quelles doses. Malheureusement, comme le fait remarquer le même auteur, « jusqu’à présent cela n’a jamais été considéré comme un problème de santé publique ». Sans compter qu’« un obstacle majeur à la recherche sur la vit D, c’est que c’est une molécule qui n’est pas très onéreuse. (…) Il faudrait sans doute une recherche indépendante et financée par les pouvoirs publics. (…) Parce que c’est vraiment de la médecine préventive qui, à long terme, pourrait entraîner des économies en terme de santé ».

Patrick Jadoulle, M.G.

SUITES : LLG n°67, septembre 2010.

Fadila LAANAN (Ministre communautaire de la Santé) s’est déclarée non compétente et a transmis notre lettre au Ministre Fédéral de la Santé L.Onkelinx. Celle-ci nous a répondu que le nouveau rapport du CSS (Conseil Supérieur de la Santé) était sorti : révision 2009 de ses « Recommandations nutritionnelles pour la Belgique » (CSS n° 8309) « instrument essentiel pour tout praticien et qui (…) pourrait servir de base aux décideurs politiques ». « La supplémentation de certains aliments gras est déjà rendue obligatoire… ». Aucun projet politique précis n’est mentionné dans sa lettre ! Par ailleurs un gros rapport bien référencé de l’Institute Of Medicine [9] de 2009 sur ce sujet conclut : « La littérature apparaît trop hétérogène pour tirer des conclusions sur ce sujet ». La situation au niveau médical reste floue
spécialement au niveau des normes de dosage sanguin de vitamine D (définies sur base d’un raisonnement physiologique), de l’intérêt de traiter systématiquement et à tout âge la déficience en vitamine D et des doses à employer en traitement de la carence démontrée et en prévention de celle-ci. Un doute persiste sur le risque d’administrer de la vitamine D sans
assurer un apport calcique suffisant. En attendant, le rapport du CSS (www.health.fgov.be ) recommande une supplémentation en vitamine D de l’ordre de 10 μg / J – enfants dès la naissance jusqu’à la vieillesse (soit 8 gttes ou une ampoule de D-cure à 25 000 U / 2 mois ; tenir compte des apports des laits enrichis), 20 μg / J chez la femme enceinte et allaitante (
soit 12 gttes de D-cure / j) ; chez les personnes à risque d’ostéoporose, 15 μg/j soit 1 ampoule de D-cure à 25 000 U / mois. Cette dose se révèle souvent insuffisante pour normaliser les taux sériques de vitamine D.

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Notes

[1] Une vitamine ensoleillée !, Patrick Mullier, Karin Rondia ; Equilibre mars 2008, 20-21

[2] Suppléments en vitamines chez l’adulte, Folia Pharmacotherapeutica, juillet 1999, 49-51

[3] Usage préventif de la Vitamine D, Folia Pharmacotherapeutica, février 2007, 10-12

[4] Thomas J. Wang et all., Vitamin D Deficiency and Risk of Cardiovascular Disease, Circulation. 2008 ;117:503-511

[5] P. J. Goodwin et all. Frequency of vitamin D (Vit D) deficiency at breast cancer (BC) diagnosis and association with risk of distant recurrence and death in a prospective cohort study of T1-3, N0-1, M0 BC. J Clin Oncol 26 : 2008 (May 20 suppl ; abstr 511)

[6] Autier P, Gandini S : Vitamin D deficiency and risk of cardiovascular disease : a meta-analysis of randomized controlled trials. Arch Intern Med 2007 sept 10 ; 167(16) : 1730-7

[7] Vitamin D deficiency and hyperparathyroidism in relation to ethnicity : a cross-sectional survey in healthy adults, R.Moreno-Reyes et al, Eur J Nutr, 48 (1), fev 2009, 31-37

[8] Vitamine D : ne serait-il pas temps de supplémenter ?, MVersonne, Le Journal du Médecin, 6 février 2009, 1975, 10.

[9Institute Of Medicine Vitamin D and Calcium : A Systematic Review of Health Outcomes