Action n°59 : MARGARINES AUX PHYTOSTEROLS (06/2001)

Publicité médiatique pour un produit sujet à caution.

LES NOUVELLES MARGARINES : LE MIRACLE DU GRAS ? (Publié le 16/06/02 – Par Jeannine Gailly, médecin de famille)

Nous sommes inondés de publicité pour la margarine Becel pro-activ®, tant dans la presse médicale que dans la presse grand public. Elle nous promet une réduction de 10 à 15% du taux de Cholestérol LDL en 3 semaines grâce aux phytostérols et nous fait miroiter une réduction de 25% du risque de maladie cardiovasculaire.

L’étude de référence est « Plant sterol and stanol margarines and health » de Malcolm Law [1], gracieusement fournie par la firme à la demande des médecins. Cette étude analyse l’introduction de phytostanols (par exemple : Benecol®) et de phytostérols (par exemple : Becel pro-activ®) dans des margarines polyinsaturées. Ces substances réduisent l’absorption du cholestérol par compétition au niveau des micelles intestinales. Elles sont naturellement présentes dans l’alimentation mais en très petite quantité.

L’article de Law présente 14 études randomisées en double aveugle qui ont rapporté une différence dans le taux de LDL-Cholestérol chez les consommateurs de margarines (groupes consommant des margarines polyinsaturées sans ajout de stérols ou stanols, versus groupes consommant des margarines polyinsaturées avec ajout de stérols ou stanols). Sur les 14 études, 8 ont moins de 35 participants par étude et la totalité des participants pour les 14 études est de 792. De plus, 13 études sur 14 portent sur une durée de moins de 10 semaines (de 1.4 à 9 semaines). Par exemple, l’étude de Hallikainem [2] porte sur 55 participants traités pendant 8 semaines. Une seule étude porte sur une durée de 52 semaines (Miettinen et al. : 204 participants dont 102 ont reçu une margarine à base de stanols).

Pouvons-nous recommander l’utilisation à grande échelle et à long terme de ces substances sur base d’un nombre aussi faible de participants et d’études aussi brèves ?

Résultats ?
Aux doses ³ 2gr/jr (correspondant à 25 gr de margarine enrichie en stanols ou stérols) la réduction moyenne du LDL-Cholestérol est pour le groupe d’âge de 50-59 ans, de 0,54 mm/l (± 20 mg/dl) (14% ; IC 0,46 à 0,63), pour le groupe d’âge de 40 à 49 ans, de 0,43 mm/l (± 16 mg/dl) (9% ; IC 0,37 à 0,47 mm/l) et pour le groupe d’âge de 30 à 39 ans, de 0,33 mm/l (± 12 mg/dl) (11% ; IC 0,25 à 0,40 mm/l) pour un p = 0,005 [3].

Cette étude ne présente pas de résultats en terme de réduction des accidents coronaires ou de la mortalité totale. Les chiffres avancés dans l’article (réduction du taux de maladies coronaires de 25% à 2 ans ) sont extrapolés à partir d’un article du même auteur, cité dans les références. Ils ne découlent pas d’études sur les margarines à base de stérols ou de stanols. Ces chiffres ont largement été répercutés dans la presse grand public.

Effets secondaires ?
Les stérols et les stanols réduisent l’absorption des vitamines liposolubles. Des études randomisées ont montré une baisse des taux sanguins de b carotène de 25%, d’a carotène de 10% et de Vitamine E de 8% [4]. Manger plus de fruits et de légumes devrait pouvoir compenser ce déficit d’absorption.

Mais la consommation de fruits et légumes est insuffisante en Belgique et ce message n’est pas mis en évidence lors de la commercialisation du produit.

Les phytostérols sont potentiellement athérogènes comme le cholestérol. De fortes concentrations sériques de stérols de plantes ont été associées à une maladie prématurée des artères coronaires [5] mais les phytostérols sont peu absorbés au niveau intestinal : environ 5% pour le b-sitostérol, 15% pour le campestérol et moins de 1% des stérols alimentaires [6].

Quel est l’effet à long terme d’une grande quantité ingérée chaque jour ?

Aucun effet secondaire significatif n’a été reporté jusqu’à présent. Une surveillance post-marketing des aliments fonctionnels est obligatoire pour contrôler la sécurité et l’efficacité à long terme [7].

Quelle est la surveillance prévue pour ces produits, qui ne sont pas répertoriés comme des médicaments mais comme des aliments fonctionnels (alicaments) ?

Conclusion :
L’étude de référence [8] montre une réduction modérée mais significative du LDL-Cholestérol, sur de petits échantillons de populations et sur de brèves périodes de suivi. Nous n’avons pas trouvé d’études de réduction de morbidité et de mortalité concernant les margarines enrichies en stérols ou en stanols. Il convient donc de rester vigilant avant de conseiller ces margarines à nos patients présentant une hypercholestérolémie. Il est possible qu’un effet secondaire (connu ou ignoré) puisse à long terme interférer et réduire le bénéfice espéré par la réduction du LDL-Cholestérol.

Les firmes commercialisant ce type de margarines devraient mener des études prouvant une réduction des événements coronaires et de la mortalité totale par leur utilisation. Le marché potentiel est très important. La santé de nos patients justifie cet investissement.

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Notes

[1] LAW M Plant sterol and stanol margarines and health BM Jl 2000 ; 320 : 861-4.

[2] HALLIKAINEM M, UUSITUPA M Effects of 2 low-fat stanol ester containing margarines on serum cholesterol concentrations as part of a low-diet in hypercholesterolemic subjects Am J Clin Nutr 1999 ; 69:403-10.

[3] LAW M Plant sterol and stanol margarines and health BM Jl 2000 ; 320 : 861-4.

[4] LAW M Plant sterol and stanol margarines and health BM Jl 2000 ; 320 : 861-4.

[5] ML Les margarines diminuant le cholestérol Medical letter 1999 ;21(15) :72-4.

[6] LAW M Plant sterol and stanol margarines and health BM Jl 2000 ; 320 : 861-4.

[7] DE GRAAF J , STALENHOEF A Het gebruik van margarine verrijkt met fytosterolen als fonctioneel voedingsmiddel Ned Tijdschr Geneeskd 2000 ; 144 (20) : 918-21.

[8] LAW M Plant sterol and stanol margarines and health BM Jl 2000 ; 320 : 861-4.