Publicité médiatique déguisée pour un médicament sur ordonnance – implication des leaders d’opinion lors du lancement d’un nouveau médicament.
Lettre au ministre Demotte, réponse LLG n° 48, décembre 2005 et au professeur Balligant, sans réponse.
Le Gras avait interpellé le ministre Demotte en raison d’un article paru dans la presse grand public et intitulé : « Cardiologie : l’hypertension bridée par un médicament utilisé dans la lutte contre le cholestérol. Une statine à effets collatéraux bénéfiques ». Notre étonnement portait sur le fait que non seulement le nom générique de la statine en question y était cité : la « rosuvastatine », mais également le nom de marque déposée « Crestor ». Ne s’agissait-il pas d’une forme de publicité déguisée pour ce médicament ?
Nous nous inquiétions dans ce courrier de l’influence que peut avoir ce type d’article sur le comportement prescripteur du médecin. La pression des patients est un paramètre important dans la décision de prescrire. L’information du grand public par la presse est de plus en plus utilisée dans la démarche de lancement d’un nouveau médicament. Nous rappelions la grande campagne de presse qui avait accompagné la commercialisation des premiers anti-inflammatoires Cox 2 sélectifs et l’impact qu’elle a eue sur les prescriptions.
Nos questions au ministre étaient les suivantes :
Cette forme de publicité est-elle légale ? Quelle est la législation actuelle en la matière ?
La réponse du Ministre est :
« Votre lettre du 7 février 2005 relative à la publicité médiatique indirecte pour des médicaments soulève des questions difficiles et délicates : celle de la relation entre les médias, les scientifiques et/ou l’industrie pharmaceutique et celle des informations sur les médicaments dans les médias.
La santé, et particulièrement le développement et la mise sur le marché de nouveaux médicaments, sont des domaines extrêmement sensibles pour lesquels l’offre et la demande d’informations sont très importantes.
L’industrie pharmaceutique, comme n’importe quel autre secteur industriel ou économique, veut également faire connaître le résultat de ses investissements et de ses recherches, notamment à l’intention de ses actionnaires. L’exercice consiste donc à concilier le droit légitime des sociétés de donner une information institutionnelle générale, objective et pondérée sur le résultat de leur recherche et l’interdiction de faire de la publicité auprès du public pour des médicaments sur prescription.
Les conférences de presse à caractère clairement promotionnel pour un médicament, organisées à l’intention de la presse grand public, sont interdites, de même que la diffusion auprès de cette presse de dossiers publicitaires. Mes services sont intervenus à plusieurs reprises pour faire annuler une conférence de presse projetée par une firme pharmaceutique ou pour dresser procès-verbal si la conférence de presse avait déjà eu lieu. De plus , toute publicité auprès du public relative à un médicament est interdite si elle comporte un élément qui se référerait à une recommandation émanant de scientifiques, de professionnels de la santé ou de personnes qui, bien que n’étant ni des scientifiques, ni des professionnels de la santé, peuvent, de par leur notoriété, inciter à la consommation de médicaments.
Cette disposition légale n’est évidemment applicable que si les scientifiques ou les professionnels de la santé en question se sont exprimés à l’invitation de la firme, dans le cadre de la promotion du médicament.
Elle n’est pas applicable si ces personnes ont fait état, d’initiative et en toute indépendance, d’une opinion personnelle ou des résultats de recherches dont ils assument l’entière responsabilité, dans un cadre scientifique, en dehors de tout contexte promotionnel.
Ces déclarations relèvent de l’éthique personnelle et éventuellement de celle des organes de presse qui les relayent. Il en est de même pour les informations que les journalistes publient de leur propre initiative.
L’attribution d’une récompense est, par exemple, toujours une occasion d’attirer l’attention sur certaines recherches et sur les médicaments qu’elles concernent.
La question que vous soulevez est donc extrêmement pertinente car il est clair que, même si elle est livrée de manière tout à fait indépendante de l’industrie pharmaceutique, une telle information publiée dans la presse peut avoir des effets de type publicitaire. Mais cette information n’est pas soumise à la législation sur la publicité relative aux médicaments ; elle relève de la liberté du journaliste et est donc soumise à la déontologie journalistique.
Une enquête devra montrer si l’information parue dans l’article dont vous m’avez transmis la copie fait suite ou non à une action de nature promotionnelle menée par la firme qui commercialise le médicament en question. »
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GRAS toujours : Flashs sur les statines
Associations dangereuses
L’American Journal of Cardiology (28th june 2004) signale les dangers possibles de l’association de la glitazone avec les statines, effets indésirables parfois sévères, souvent musculaires, plus rarement hépatiques. Dans la moitié des cas signalés à la pharmacovigilance (USA) une hospitalisation ou un décès est observé. Ce risque est trois fois plus important avec l’atorvastatine qu’avec la simvastatine. (www.ukmicentral.nhs.uk 29/06/04)
La BBC (UK) signale qu’un expert de l’association des consommateurs Public Citizen (USA), le Dr Sidney Wolfe, demande le retrait du marché de la rosuvastatine (Crestor®) pour effets indésirables plus fréquents qu’avec les autres statines. La firme Astra Zeneca a informé les médecins américains de “réserver les hautes doses de cette molécule aux patients présentant les risques cardiovasculaires les plus élevés pour des raisons de sécurité”. Le Dr Wolfe signale qu’une dose de 10 mg de rosuvastatine peut également comporter un risque élevé. Aux USA 20 cas de rhabdomyolyse et d’insuffisance rénale ont été rapportés chez des personnes traitées avec des doses de 10 mg de ce médicament. (www.druginfozone.nhs.uk 28/06/04).
Au Royaume Uni, depuis ce début juillet, la simvastatine 10 mg est en vente libre, suite à une décision favorable du Committee on Safety of Medicines (CSM) qui a largement consulté les experts. Un éditorial du Lancet (Lancet 2004 ;363:1659) s’inquiète de cette mesure libératoire. Il souligne, entre autre, l’absence d’étude sur les effets d’une vente libre de statines, non dénuées d’effets secondaires, l’absence de preuve d’une réduction de la mortalité en prévention primaire par les statines et surtout l’absence de surveillance d’un tel traitement. Il attire également l’attention sur l’incertitude de l’effet d’une telle prise de médicament sur les modifications de style de vie indispensables pour diminuer un risque cardiovasculaire : va-t-elle inciter les personnes qui vont en consommer à être plus stricts pour ces mesures ou au contraire les rassurer faussement et les dissuader de les appliquer ? Le BMJ (BMJ 2004 ;328:1221) soulève des objections semblables pour une classe de médicaments qui entraîne un coût d’1 milliard € par an au Royaume Uni dont un quart pour la simvastatine. Le brevet du Zocor ® expire cette année. Certains (Consumer’s Association UK) y voient une relation de cause à effets…
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Crestor et rhabdomyolyse
L’association américaine de défense des consommateurs “Public Citizen Health” a déposé une pétition auprès de la FDA, pétition rejetée, demandant le retrait du Crestor ® du marché. Ce produit provoquerait 2 à 6 fois plus de complications (sur un an, données FDA) que les autres statines. La revue de l’association mentionnée plus haut précise que 145 cas de problèmes musculaires ou rénaux (suite à une rhabdomyolyse) ont ainsi été signalés pour 5,2 millions de prescriptions durant la première année de mise sur le marché, ce qui est plus important qu’avec les autres statines. Pour rappel, seules la pravastatine et la simvastatine ont prouvé leur efficacité sur des critères forts.