Action n° 97 : INFORMATION DES PATIENTS : quand les firmes tentent de s’en emparer… (11.2006)

Déclaration commune d’organisations européennes transmise par le GRAS au Ministre fédéral de la santé :Une information-santé pertinente pour des citoyens responsables

Suites : PUBLICITE DIRECTE OU ACCOMPAGNEMENT THERAPEUTIQUE ?, mars 2007

« M me V, je vous appelle de la part du laboratoire X, pour voir si vous n’avez pas oublié de prendre votre médicament. » Deux jours après, nouvelle piqûre de rappel, cette fois-ci par le biais d’un SMS. Encore un peu plus tard, une infirmière va se déplacer au domicile de la personne, toujours dans le même but : « observer l’observance de la patiente » à son traitement.

Le débat qui secoue l’Assemblée Nationale française en ce 11 janvier 2007 remet en cause la sacro-sainte règle qui interdit à l’industrie pharmaceutique de faire de la publicité directe pour l’un de ses médicaments. Le projet d’ordonnance en débat prévoit que les firmes pourront mettre en place des “dispositifs individualisés (relance téléphonique, numéro vert, éducation personnalisée pour les patients, envoi d’infirmiers à domicile, etc.)” d’accompagnement thérapeutique.

Xavier Bertrand, ministre de la Santé, a assuré qu’il y aurait une série de garde-fous : il faudra ainsi une autorisation, le consentement du patient, celui-ci pouvant le retirer à tout moment. « Aucun contact direct entre le laboratoire et le patient ne sera autorisé, les programmes devront faire appel à des professionnels de santé. » Certes, mais alors pourquoi ne pas les mettre sous la seule responsabilité de « réseaux de soin » (coordination de médecins par exemple), et non des labos ?

Programmes d’aide à l’observance des firmes pharmaceutiques : non merci ! [1]

Le point de vue de Prescrire

Un conflit d’intérêts trop lourd de conséquences : comment imaginer qu’une firme, juge et partie, soit en mesure d’expliquer à un patient qu’il devrait mieux arrêter son traitement, ou en changer pour prendre un traitement d’une firme concurrente ?

L’intrusion des firmes pharmaceutiques dans l’”accompagnement” des patients à bien suivre leur traitement a commencé aux États-Unis d’Amérique, où la marchandisation des médicaments est plus avancée qu’en Europe. Là-bas le prix des médicaments est libre, les firmes peuvent faire de la promotion auprès du public pour des médicaments de prescription, et les “programmes d’aide à l’observance”, forme sophistiquée de cette publicité, se multiplient.

Ces programmes arrivent en Europe par la petite porte.

Ainsi la boucle serait bien bouclée dans un monde organisé par les firmes pharmaceutiques : forte implication dans la “formation” initiale et continue des professionnels et dans l’”information” des patients, influences déterminantes dans le processus d’autorisation de mise sur le marché des médicaments, et, pour clore le dispositif, contrôle au lit du malade qu’il a bien pris toutes ses gélules, et qu’il atteint bien son quota de consommation.

Il est temps de mettre un terme à cette dérive dangereuse. L’un des principaux constats d’un rapport sénatorial français récent sur le médicament était l’omniprésence des conflits d’intérêts et la confusion des genres qui sévit dans le monde médico-pharmaceutique. Avec ces “programmes d’aide à l’observance”, la confusion des genres serait totale ; car comment imaginer qu’une firme, juge et partie, soit en mesure d’expliquer à un patient qu’il devrait mieux arrêter son traitement, ou en changer pour prendre un traitement d’une firme concurrente ?

Suites : Prescrire n° 283, mai 2007.

Mainmise des firmes sur l’information-santé : une mascarade européenne [2]

La Commission européenne soutient la volonté des firmes de faire de la publicité directement auprès du public, y compris pour les médicaments soumis à prescription médicale. Une consultation biaisée a été orchestrée au niveau européen en vue de préparer des modifications du cadre législatif communautaire. Le Collectif Europe et Médicament adresse une lettre ouverte destinée aux Commissaires européens en charge du dossier.

Mi-mars 2007, le groupe de travail sur l’information-patient du Forum pharmaceutique européen a mis en consultation publique deux documents : une liste de “critères de qualité” et un “modèle” d’information-patient sur le diabète. Nous considérons que les questions accompagnant cette consultation pré-orientent les réponses et ne permettent pas de débat démocratique. Elles font de cette consultation un faux-semblant parmi d’autres destiné à justifier un projet législatif, préparé de longue date, de dérégulation de la communication des firmes pharmaceutiques avec le public. Le Collectif Europe et Médicament ne peut en conscience participer à cette consultation. Faisant partie des acteurs incontournables sur cette question, il souhaite toutefois assumer ses esponsabilités en apportant, par cette lettre ouverte, sa contribution en faveur d’un débat honnête et équilibré. Health Action International* (HAI) Europe et l’International Society of Drug Bulletins** (ISDB) s’associent à cette démarche et partagent les préoccupations exprimées par le Collectif Europe et Médicament.

L’opacité et l’absence de méthode du Forum pharmaceutique restent inadmissibles Le Collectif Europe et Médicament, avec HAI et l’ISDB, déplore que le Forum pharmaceutique fonctionne depuis sa création dans une opacité quasi totale [3]. Cette consultation en est une preuve supplémentaire : deux documents sont soumis à consultation publique sans que leur méthode d’élaboration soit explicitée, ni que les auteurs et leurs conflits d’intérêts éventuels soient connus. À écouter les témoignages de nombreux participants au Forum pharmaceutique, il n’y a même pas eu de méthode d’élaboration digne de ce nom, ce qui est encore plus grave. On comprend dans ce contexte l’indigence du résultat.

Les critères de qualité proposés sont flous et loin des patients. La liste de critères proposée est longue, utilisant des termes suffisamment flous pour être interprétés de manière “flexible”. Et surtout, son titre tend à créer une confusion entre “information-santé” et “information sur les maladies et les médicaments”. Rappeler ici le but unique de l’information des patients n’est peut-être pas inutile. L’information attendue par les patients doit leur permettre de répondre aux questions qu’ils se posent. Elle doit les aider à analyser ce qui les préoccupe, leur donner une idée réaliste de l’évolution de leur état de santé, les aider à comprendre les investigations et les traitements, les résultats qu’ils peuvent en attendre, les choix parmi les options et les services disponibles. Elle doit les aider à supporter l’épreuve de la maladies. Nous demandons que cesse la confusion des rôles savamment entretenue. Au prétexte de défendre le droit des patients à l’information, quelques députés s’efforcent depuis plusieurs mois, à grand renfort de communications en tous genres (séminaires, animation de workshops, conférences de think-tanks opportunément créés) de désinformer l’opinion en laissant croire que l’Europe serait un désert en termes d’information de qualité sur la santé, et que seules les firmes pharmaceutiques seraient en mesure de remédier à cette situation.

Le Collectif Europe et Médicament, avec HAI et l’ISDB, rappelle à nouveau que les “informations” que sont à même de fournir les firmes pharmaceutiques sont par nature promotionnelles, et que l’emploi du terme “information” dans ce contexte relève d’une utilisation abusive, pour qualifier ce qui n’est in fine que publicité. La capacité des patients-citoyens à décider de leurs soins doit être d’autant plus protégée de l’influence de la publicité déguisée en “information”, qu’ils sont affaiblis par la maladie.

Les besoins en information sont complexes, diffèrent et évoluent selon les personnes. Les différences de capacités physiques et/ou mentales, de niveau de formation et de moyens économiques déterminent le type d’information attendue par les patients et la façon dont ils vont l’utiliser. Informer les patients, en s’adaptant au plus près de leurs attentes, implique une relation de confiance qui s’inscrit dans le travail quotidien des professionnels de santé, des associations de malades indépendantes, de l’entourage du patient et dans la mission des bulletins indépendants destinés au public [4].

Les firmes pharmaceutiques ont un rôle différent à jouer, bien spécifique : la législation les oblige à fournir des médicaments correctement étiquetés et accompagnés d’une notice informative à l’intention des patients. La Directive 2004/27/CE exige que ces notices soient évaluées par les patients [5]. Cette disposition importante faisait cruellement défaut. La mise au point, par les firmes, de conditionnements informatifs et sécurisés, et de notices pertinentes peut contribuer à un meilleur usage des médicaments et à la prévention des erreurs médicamenteuses [6]. Il y a beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, et certaines firmes semblent s’engager dans cette voie. Toute confusion des rôles de ces différents acteurs expose au risque de nuire à la qualité des soins et à la liberté pour chacun de choisir au mieux selon ses besoins.

Nous vous rappelons votre mission de protection de la santé publique. Après un premier échec législatif en 2002 par le rejet massif par le Parlement de l’introduction de la communication directe des firmes avec le public, il semble que la Commission européenne et les firmes, avec le soutien actif de quelques députés, reprenne l’initiative, en profitant du fait que plus de 70 % des membres du Parlement européen ont été renouvelés. Ce petit jeu, qui consiste à remettre régulièrement en cause des choix démocratiques pour les intérêts de quelques-uns, doit-il se reproduire à chaque renouvellement du Parlement européen ? Nous ne le souhaitons pas. (…)

Le Collectif Europe et Médicament déplore que la Commission européenne, chargée simplement par le Parlement de présenter un rapport en 2007 sur les bénéfices et les risques de l’information mise à la disposition du public, y compris via internet, et de faire éventuellement des propositions (Directive 2004/27/CE – article 88a), outrepasse son rôle (b). Elle biaise le débat en prenant clairement position en faveur de la communication des firmes auprès du public, sous couvert de partenariats privé-public qui ne trompent personne [7], [8], [9]. Ces prises de position ne tiennent pas compte des données internationales sur les nuisances de la communication des firmes avec le public, et du travail mis en œuvre depuis longtemps par les acteurs du système de soins en matière d’information-patient dans un objectif de santé publique.

Le marché des produits de santé n’est pas un marché comme les autres. Les patients ne sont pas des consommateurs. Soutenir la compétitivité des firmes pharmaceutiques ne doit pas faire oublier à la Commission sa responsabilité majeure dans la protection de la santé publique des citoyens européens (article 152 du Traité instituant la Communauté européenne).

Suites : Test-Santé – VACCINATION CONTRE LA VARICELLE : NON A “L’INFORMATION” PAR LES FIRMES ! – Maurice Vanbellinghen

Un site internet www.varicella.be se profile comme site d’information sur la varicelle. Ce site appartient de toute évidence à la firme Sanofi Pasteur MSD (le nom apparaît clairement sur le site). La firme Sanofi Pasteur MSD est le fabricant du Provarivax, un des deux vaccins contre la varicelle actuellement sur le marché en Belgique.Aujourd’hui (juin 2007), une vaccination universelle des enfants contre la varicelle n’est pas recommandée chez nous (ni dans la plupart des autres pays).Une des raisons étant que cette vaccination nécessite d’obtenir rapidement une couverture vaccinale élevée (au moins 90% des enfants). La vaccination d’une partie seulement des enfants risque de déplacer les cas de varicelle vers la population adulte non vaccinée. Or chez les adultes, la maladie est généralement plus sévère et les complications plus fréquentes.

Certains spécialistes estiment qu’une vaccination universelle des enfants pourrait être envisagée si l’on disposait d’un vaccin combiné : rougeole-rubéole-oreillons (RRO) + varicelle. Le vaccin RRO est déjà “de routine”. Une combinaison avec un vaccin antivaricelle pourrait donc en théorie faciliter l’obtention d’une couverture vaccinale suffisamment élevée. Pour l’instant, un tel vaccin combiné n’est pas encore disponible en Belgique, mais on vient d’autoriser au niveau européen le lancement d’un tel vaccin, baptisé ProQuad. Lequel est également un produit de…Sanofi Pasteur MSD. Quoi qu’il en soit, pour l’instant et dans l’état actuel des choses, la vaccination systématique des enfants n’est toujours pas recommandée. Inciter le public à faire vacciner ses enfants, en dehors d’une recommandation officielle et dans des circonstances où on ne pourra pas obtenir une couverture vaccinale élevée, est une démarche risquée pour la santé publique. La bénignité habituelle de la varicelle dans l’enfance, et le fait qu’une vaccination des enfants risque de déplacer les varicelles vers les adultes, chez lesquels elle est plus grave, ne sont pas en faveur d’une vaccination des enfants. Or, la partie du site www.varicella.be accessible au public ne pipe mot de tout cela. Sanofi Pasteur MSD vise surtout à effrayer les parents en “gonflant” les risques et dangers de la varicelle chez les enfants. Et insiste que “LA SOLUTION EST SIMPLE !!! Un vaccin.” Nous estimons de telles pratiques inacceptables. Il s’agit une fois de plus d’une habile stratégie de l’industrie pharmaceutique pour, sous le couvert d’une information sur une maladie, contourner l’interdiction de la publicité grand public pour un médicament sur prescription. [Précisons que dans certains conditions strictes, une publicité pour certains vaccins peut-être autorisée, par exemple pour la vaccination contre la grippe ; mais ce n’est pas (encore) le cas pour les la varicelle, que nous sachions.] Cette publicité qui ne dit pas son nom peut avoir des effets néfastes au niveau de la santé publique. Finalement, ce site démontre à l’évidence que ce n’est pas de l’industrie pharmaceutique que les consommateurs doivent attendre une information objective, équilibrée et fiable. C’est important à souligner, dans le contexte actuel où certains tentent de confier aux fabricants de médicaments un rôle plus important comme fournisseurs d’information médicale à l’usage des patients.

Suites : Projet de chaîne télévisée sur les médicaments – 22/05/07 (BELGA)

Quatre groupes pharmaceutiques étudient la possibilité de mettre au point une chaîne de télévision numérique interactive en Europe avec des annonces sur leurs médicaments accessibles au grand public.
Certains observateurs y voient une stratégie de lobbying de l’industrie pharmaceutique pour parvenir à faire de la publicité autour de leurs produits alors que cela est interdit en Europe.

Le nouveau canal interactif, European Patient Information Channel, disponible via internet et la télévision, devrait être financé par quatre gros acteurs du marché : Johnson & Johnson, Pfizer, Novartis et Procter & Gamble. Le quotidien britannique The Guardian a reçu un DVD-pilote du projet qui montre notamment un médecin rassurant une patiente atteinte d’un cancer du sein, en lui rappelant que “de nombreux nouveaux traitements sont disponibles”. “Il est ensuite possible de cliquer sur le côté gauche de l’écran pour consulter des informations sur les différents traitements en question”, explique au Guardian Nicola Bedlington, chef du European Patient’s Forum. L’annonce d’un tel projet intervient alors que la Commission européenne se penche actuellement sur une réforme des règles en matière d’informations transmises aux patients sur les médicaments et produits thérapeutiques.

Suites : LLG n°56

Dans Education Santé 225 août 2007, page 11, figure une présentation des programmes de dépistage du cancer du sein, mais page 13, apparaît une description d’Ariane, une production Astra Zeneca pour accompagner les patientes atteints du cancer du sein après que le diagnostic ait été posé. Un pas de plus dans la stratégie de contact direct des firmes avec les usagers…

Dans votre boîte de Champix®, vous trouverez un code d’accès à un site internet vous donnant des informations sur le sevrage tabagique et vous offrant la possibilité de vous envoyer régulièrement des SMS ou des mails personnalisés pour soutenir votre motivation à l’arrêt du tabac.

Observance : pas si simple

Les patients ont parfois de bonnes raisons d’interrompre leurs traitements, notamment lorsqu’ils présentent une balance bénéfices-risques défavorable.

Comme le montre la Revue Prescrire dans son numéro 288, Octobre 2007 p.782-783, de nombreuses études ont conclu que les programmes d’aide à l’observance étaient peu efficaces. Et qu’une bonne observance à un traitement à balance bénéfices-risques défavorable se traduisait par un surcroît de mortalité.

Des études montrent que les patients se méfient souvent des médicaments, principalement à cause de leurs effets indésirables, ou d’un risque de dépendance. Beaucoup de patients cherchent à prendre la plus petite quantité possible de médicaments, expérimentent des arrêts de traitement, cherchent à ce que la prise des médicaments ne perturbe pas trop leur emploi du temps, comportements qui relèvent a priori d’une attitude raisonnée.

Une analyse réalisée par la revue Prescrire des programmes d’observance actuellement en cours en France montre qu’ils concernent des médicaments à balance bénéfices-risques défavorable, ou insuffisamment évalués, ou pour lesquels il existe des médicaments qui leurs sont préférables.

La priorité n’est pas de contraindre les patients à poursuivre des traitements peu efficaces, peu pratiques ou mal tolérés, mais d’améliorer ces traitements ou d’en choisir de meilleurs.

Suites : LLG n° 59, septembre 2008

Le 2 avril 2008, le GRAS à envoyé à Mr Günter Verheugen et à Mme Androula Vassiliou, membres de la Commission Européenne, une réponse à la consultation relative aux propositions de modifications réglementaires sur l’“information-patient” organisée par cette Commission.

En date du 3 juillet, le vice-président de cette Commission, Mr Günter Verheugen, a répondu à notre lettre. Il apporte les réponses suivantes à nos différentes questions ou constatations.

Nous écrivions : « Le GRAS, membre de l’International Society of Drug bulletins (ISDB) déplore l’absence de véritable débat démocratique et le refus de la Commission de considérer les options privilégiant d’abord l’intérêt des patients et des citoyens européens. »

Mr Günter Verheugen répond que la Commission a lancé deux consultations publiques au sujet de l’information des patients sur les médicaments délivrés uniquement sur ordonnance. Il nous informe d’une évaluation en cours sur les impacts possibles de la proposition législative avec interviews d’experts, y compris des prestataires et des responsables du financement des soins de santé, ainsi que de l’envoi d’un questionnaire aux autorités réglementaires des médicaments dans les Etats membres.

Le GRAS serait heureux de connaître les noms des institutions contactées, leur représentativité ainsi que les conclusions de cette évaluation.

Le GRAS posait également la question : « Quelles informations clés les firmes vont-elles donner aux patients qu’elles n’auraient pas données aux autorités et aux professionnels de santé ? »

Mr Günter Verheugen répond que « les entreprises pharmaceutiques possèdent des informations clés concernant leurs produits qui ne sont que partiellement (via les notices et l’étiquetage) mises à la disposition des patients. Par conséquent, l’industrie pharmaceutique est potentiellement une importante source d’information pour répondre à la demande croissante des patients de disposer d’une information plus complète et de meilleure qualité »

Le GRAS ne peut accepter cette reconnaissance indirecte d’un droit de l’industrie pharmaceutique à la rétention d’informations avec le choix, ensuite, dans les informations données aux patients. Une telle attitude nuit à la transparence d’une information qui doit être complète. Il est également impossible de tracer les limites entre « informations » et publicité issues de firmes dont les conflits d’intérêt sont insurmontables.

Le GRAS rappelait aussi « l’importance de l’article 88 de la Directive 2001/83/CE, seul garde fou à la dérégulation de la communication des firmes auprès du public ».

Mr Günter Verheugen nous répond que l’un des principaux enjeux de la prochaine proposition législative sera de maintenir l’interdiction de la publicité sur les médicaments délivrés uniquement sur ordonnance. Il conclut sa lettre par « l’objectif de la proposition législative que nous préparons actuellement est donc de clarifier la législation existante en identifiant précisément l’information qui pourrait être autorisée et en définissant des critères pour assurer la qualité de l’information et sa nature non promotionnelle. »

Le GRAS souligne à nouveau l’ambigüité de cette dernière réponse entre interdiction de publicité et information par les firmes autorisée.

Nous n’avons également pas de réponse à d’autres questions importantes exprimées : entre autres « les propositions de la Commission menacent la santé des citoyens européens et la pérennité financière des systèmes de santé des États membres, la nécessité de préserver la liberté de choix des patients, des contrôles inefficaces, laissant le champ libre aux abus. »

Suites : MEDICAMENTS SUR PRESCRIPTION : NON A “L’INFORMATION” DU PUBLIC PAR LES FIRMES PHARMACEUTIQUES – CONFERENCE ET COMMUNIQUE DE PRESSE du 16 octobre 2008 – LLG n° 60, décembre 2008

Une proposition de Directive de la Commission européenne (DG Entreprises) veut autoriser les firmes pharmaceutiques à s’adresser directement au grand public pour lui apporter une prétendue information sur les médicaments soumis à prescription.

S’engager sur cette pente glissante risque d’avoir des conséquences néfastes. Les signataires, une coalition de représentants des médecins, pharmaciens, mutuelles, patients et consommateurs, estiment que cette proposition doit être rejetée. Accorder aux firmes pharmaceutiques une marge de manœuvre encore plus grande aboutirait dans les faits à de la publicité grand public pour les médicaments sur prescription. Qu’hypocritement l’on baptise alors celle-ci “information” n’y changerait rien. Les avantages potentiels d’une telle dérégulation sont douteux, les risques bien réels. Modifier la réglementation en ce sens ne débouchera nullement sur un usage plus rationnel des médicaments ni sur un public mieux informé.

Les signataires, représentants du corps médical, des pharmaciens, des mutuelles, des patients et des consommateurs, demandent que la Commission européenne rejette cette proposition et que la réglementation actuelle soit maintenue.

Test-Achats, Algemeen Syndicaat van Geneeskundigen van België, Association Pharmaceutique Belge, Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (CBIP), Mutualité Chrétienne, Domus Medica, Fédération des Maisons Médicales, Groupe de Recherche et d’Action pour la Santé (GRAS), Groupement Belge des Omnipraticiens, Caisse Auxiliaire d’Assurance Maladie-Invalidité (CAAMI/HZIV), Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS), Minerva, La Mutualité Socialiste, Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG), Vlaams Patiëntenplatform (VPP), Office des Pharmacies coopératives de Belgique (Ophaco), Vereniging van Wijkgezondheidscentra

Cette conférence de presse et le communiqué diffusé ce 16 octobre 2008 ont bénéficié d’un large soutien de la part d’associations qu’on n’est pas habitué à voir travailler ensemble.

Le 19 novembre 2008, une lettre d’une représentation large de différentes organisations européennes a été adressée à Mr Barroso, président de la Commission Européenne, reprenant les mêmes revendications. In fine, ce point a été retiré de l’ordre du jour de la Commission Européenne et postposé de facto à la législature suivante.

Suites : LLG n° 63, septembre 2009

La Ministre Onkelinx a répondu à la lettre du mois de mars adressée par le collectif belge Europe Médicaments concernant la proposition de la Commission Européenne sur l’information aux patients. Les conclusions du Conseil Européen des Ministres de la Santé (du 9 juin 2009) sont favorables à notre point de vue : les ministres ont identifié les mêmes problèmes que nous. « Beaucoup de délégations sont d’accord sur la nécessité d’améliorer l’information du public sur les médicaments disponibles sur prescription mais craignent que le système proposé créent une surcharge de travail pour les autorités compétentes sans améliorer significativement la qualité de l’information fournie aux patients. En plus, de nombreuses délégations maintiennent que la différence entre « information » et « publicité » n’est pas suffisamment claire et craignent dès lors que ces propositions ne fournissent pas de garanties suffisantes pour éviter le contournement de l’interdiction de la publicité pour les médicaments disponibles sur prescription. »

Le 17 juin 2007, la Ministre Onkelinx confirmait par lettre « son attitude très critique comme celle de la plupart des états membres vis-à-vis de l’initiative de la Commission Européenne concernant une information aux patients donnée par l’industrie pharmaceutique pour les médicaments soumis à prescription ». Reprécisons que cette proposition émane en fait du Directorat Général « Entreprises et Industrie » qui est, au niveau européen, responsables pour le domaine de la santé. Nous avons appris que ce projet a, à nouveau, été discuté au niveau européen, cette fois-ci au niveau du « Conseil de Santé ». Nous avons réinterrogé la Ministre Onkelinx à ce propos, et attendons sa réponse.

D’autre part, d’autres projets circulent au niveau européen : une proposition de confier la tutelle de cette information faite par les firmes directement auprès des patients aux institutions de Health Technology Assessment (HTA, c’est-à-dire le Centre d’Expertise Fédéral-KCE en Belgique) … mais en intégrant l’industrie pharmaceutique dans ces HTA, ce qui ruinerait leur indépendance. Une autre proposition est de revoir les modalités de la pharmacovigilance, entre autres des PSUR (Programme de surveillance des effets indésirables avec rapport régulier obligatoire auprès des autorités pour les firmes) ; ces PSUR rassemblés par les firmes doivent être complets, mais le projet prévoit que les firmes pourraient sélectionner les éléments transmis.

La vigilance doit donc être importante tant au niveau national (large plate-forme sous la coordination de Tests Achats) qu’au niveau européen (International Society of Drug Bulletins, entre autres, sous la coordination de la revue Prescrire). Le GRAS est partie prenante à ces deux niveaux. Dans le cadre de la constitution d’un nouveau parlement européen et d’une nouvelle Commission, la plate-forme belge précitée a demandé ce 17 juillet à la Ministre Onkelinx que le secteur des médicaments ne dépende plus du Directorat Général Entreprises et Industrie mais bien d’un Directorat Général dédié à la santé.

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Notes

[1] ©La revue Prescrire 15 novembre 2006

[2] Texte complet sur La Revue Prescrire – Article en Une – Numéro 283, mai 2007

[3] Position conjointe du Collectif Europe et Médicament, de l’International Society of Drug Bulletins, de Health Action International Europe “Information-santé : chacun sa place” mars 2007 : 4 pages.

[4] Déclaration conjointe de HAI Europe, de l’ISDB, du BEUC, de l’AIM et du Collectif Europe et Médicament “Une information-santé pertinente pour des citoyens responsables” 3 octobre 2006. Site internet www.prescrire.org : 9 pages.

[5] European Commission “Guidance concerning consultations with target patient groups for the package leaflet” May 2006 : 5 pages.

[6] European Commission Notice to applicants “Guideline on the packaging information of medicinal products for human use authorised by the Community” March 2007 : 34 pages.

[7] Verheugen G ” Pharmaceutical Forum : delivering better information, better access and better prices” Brussels 29 September 2006. Site internet http://europa.eu consulté le 23 octobre 2006 : 4 pages.

[8] Kyprianou M “Pharmaceutical Forum : delivering better information, better access and better prices” Brussels 29 September 2006. Site internet http://europa.eu consulté le 23 octobre 2006 : 5 pages.

[9] European Commission “Draft report on current practices with regard to provision of information to patients on medicinal products, in accordance with article 88a of Directive 2001/83/EC, as amended by Directive 2004/27/EC on the community code relating to medicinal products” 19 April 2007 : 27 pages.