En France, les prix des médicaments remboursables en ambulatoire sont souvent beaucoup plus élevés que les prix libres et “négociés” dans les établissements de santé. Autrement dit, le prix de médicaments très vendus en première ligne de soins est généralement bradé à l’hôpital. Les auteurs de l’étude présentée par la revue Prescrire [1] ont aussi montré qu’il existe une corrélation positive statistiquement significative entre les quantités d’un médicament consommées dans un CHU et les quantités de ce même médicament consommées en ambulatoire dans les départements de la zone d’influence du CHU. Les firmes bradent certains médicaments en milieu hospitalier afin d’induire une augmentation de leurs ventes en dehors de l’hôpital, notamment de spécialités pharmaceutiques sans copie générique. La recherche d’économies à l’hôpital, malgré son importance, peut contribuer ainsi à un surcoût en médecine générale…
En Belgique, le KCE a abordé ce problème dans son rapport 199B, publié le 28.03.2013, intitulé « Freins et leviers à l’adoption des médicaments biosimilaires en Belgique » [2].
Il constate d’abord que lorsque l’on prend en compte les ristournes (jusqu’à 75% pour certaines spécialités) et les autres avantages offerts aux hôpitaux par les fabricants des produits originaux, les biosimilaires ne sont pas concurrentiels pour les hôpitaux d’autant que le montant que l’INAMI rembourse aux établissements de soins reste en effet toujours basé sur le prix officiel du produit original.
Le cas des biosimilaires est un bon exemple du manque global de transparence qui entoure le prix d’achat des médicaments en milieu hospitalier. Les accords passés au niveau des ristournes et des autres avantages sont pour la plupart légaux… mais dans le contexte réglementaire actuel, ils rendent extrêmement difficile la mise en place d’une stratégie de maîtrise des coûts.
À court terme, il faudrait donc idéalement que les accords entre l’industrie et les hôpitaux puissent être rendus publics. La situation pourrait du reste évoluer assez prochainement, car les établissements de soins seront bientôt obligés d’organiser des appels d’offres publics pour l’achat de produits pharmaceutiques ce qui risque d’abroger les contrats d’exclusivité conclus juste avant l’expiration du brevet du médicament biologique de référence. A plus long terme, il faudrait toutefois envisager des mécanismes de financement alternatifs ; le remboursement par l’INAMI pourrait par exemple être calculé en fonction du prix réellement payé. Une partie du budget ainsi économisé pourrait être réinvesti dans la recherche clinique et dans la formation continue des médecins et pharmaciens-cliniciens.
La faible percée des biosimilaires en Belgique illustre la problématique plus vaste de l’usage des médicaments dans l’environnement hospitalier, en particulier liée au manque de transparence manifeste dans les coûts et les ristournes et autres avantages . Bien que l’on parle ici de ressources additionnelles généralement parfaitement légales et qui peuvent fort bien être réaffectées de façon pertinente dans les établissements, elles n’en perturbent pas moins le jeu de la concurrence entre médicaments. Elles rendent quasi impossible aux autorités la tâche de définir des politiques adéquates, à long terme, pour maîtriser ses dépenses.
SUITES (LLG n°98, septembre 2017)
Le GRAS propose à ses membres médecins généralistes d’envoyer une lettre à notre ministre fédérale de la Santé (voir modèle ci-contre) suite à sa lettre leur demandant d’atteindre l’objectif de prescrire 60% de médicaments bon marché à partir du 1er janvier 2017.
[1] Médicaments bradés à l’hôpital : induction de prescriptions coûteuses en ville , Rev Prescrire 2015 ; 35 (378) : 301.
SUITES (LLG n°121, Décembre 2021 – Janvier 2022)
Projet d’étude KCE relatif à l’impact de la prescription en milieu hospitalier sur les prescriptions bon marché en médecine générale. Ce sujet d’étude avait en effet été retenu et intégré en décembre 2017 dans le programme de recherche du KCE.
Réponse du KCE ce 17/11/2021 (Délai !): « Après un travail préliminaire effectué dans le cadre du scoping de ce projet à l’automne 2019, et dans l’idée de le démarrer, les chercheurs du KCE ont fait différents constats qui laissaient à penser que cette recherche ne devait pas être poursuivie en tant que projet KCE.
Les principales raisons évoquées étaient :
- L’indisponibilité de données sur l’adéquation (pertinence clinique) de la prescription ;
- L’absence d’impact du séjour hospitalier sur la médication chronique prise par les patients avant une courte hospitalisation (objet initial de cette recherche), les patients étant le plus souvent invités à emporter leur médication chronique avec eux lors de leur séjour ;
- La disponibilité aisée auprès de l’INAMI de données nécessaires pour faire pression en faveur d’une politique encourageant l’usage des produits “génériques/à prix réduit” ;
- Le fait que des recommandations visant à renforcer la prescription de DCI avaient déjà été formulées dans le cadre de projets antérieurs.
En mars 2020, ces arguments ont été présentés à notre CA, accompagnés d’une proposition de retrait de ce projet de recherche du programme d’études du KCE. Dans le flot des sollicitations, questionnements, réorganisations qui ont caractérisé ces instants, il nous a échappé de vous recontacter pour vous expliquer la décision prise. Je vous prie de bien vouloir nous excuser pour ce manquement.
Christophe Janssens Directeur Général Adjoint a.i. KCE »
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