Des plans de gestion des risques sont imposés aux firmes pharmaceutiques par l’EMEA (Agence Européenne du Médicament) ces dernières années en contrepartie de l’acceptation (par l’EMEA) d’une accélération de l’enregistrement de nouveaux médicaments et donc de leur mise sur le marché. Ces plans peuvent également comporter du matériel éducatif pour les patients. Plutôt que de donner aux firmes encore plus de latitude dans leur communication avec les patients et les consommateurs en général, mieux vaut veiller à ce que ces firmes divulguent toutes les données pertinentes sur leurs médicaments. Revendication politique.
SUITES : LLG n°58, juin 2008
Dans le cadre de la législation pharmaceutique révisée, toutes les nouvelles demandes d’autorisation de mise sur le marché et de modification majeure des autorisations existantes doivent être accompagnées d’un plan de gestion des risques (règlement (CE) n° 726/20041 entré en vigueur le 20 novembre 2005). Ces plans définissent tous les risques connus ou potentiels associés au médicament concerné. Ces plans permettent l’application proactive de mesures de minimisation des risques et d’autres activités de pharmacovigilance.
Des exemples récents, tirés de la revue Test Santé n° 85 de juin-juillet 2008 p. 12-13, nous rappellent l’actualité de ce problème du contrôle de l’information des patients. Au niveau européen, la Commission continue son forcing pour faire passer une directive permettant la communication directe des firmes pharmaceutiques avec le public cf. www.prescrire.org à Europe et médicaments.
MACUGEN : Le Macugen® est un médicament sur prescription pour la dégénérescence maculaire (maladie de la rétine). « Début 2008, nous (Test Santé) découvrons un site www.macugen.be, accessible au grand public. Sur ce site, figurent la notice, mais aussi des brochures d’aspect publicitaire avec notamment le slogan “Protégez votre vue avec Macugen®”. Nous notifions cette publicité interdite à l’Agence des Médicaments. Qui nous apprend que ces documents… ont été approuvés par l’Agence ! Explications : le Macugen® fait l’objet d’un “programme de gestion des risques”. Depuis peu, les autorités peuvent demander aux firmes un tel plan pour identifier, prévenir ou minimiser les risques liés à un médicament. Selon les cas, ces plans peuvent aussi comporter du matériel éducatif pour les patients. Suite à notre plainte, l’agence a contacté la firme Pfizer. Début avril, le site n’était plus accessible au public. Ce qui n’est que normal, puisqu’il s’agit d’un médicament sur prescription. S’il est déjà critiquable que l’on permette aux firmes de s’adresser directement aux patients, il est tout à fait inacceptable que cette “information” soit diffusée au public dans son ensemble. De toute évidence, les firmes essaient de voir jusqu’où elles peuvent aller. De surcroît, il nous semble que la forme et le contenu du site ne correspondent guère aux objectifs officiels, à savoir aider à prévenir et à identifier tout effet indésirable grave d’un médicament et à décider quand consulter d’urgence le médecin. En définitive, le résultat est simplement une visibilité renforcée d’un médicament sur prescription par le biais de l’internet, sans intérêt réel pour les patients. » (M. Vanbellinghen et M. Van Hecke dans Test Santé 85).
Le nom d’un site internet est un vecteur de promotion qui devrait répondre aux règles de la publicité pharmaceutique.
INFORMER… VRAIMENT ?
Différents « programmes d’aide à l’observance » sont développés actuellement par les firmes pharmaceutiques dans les domaines de l’arrêt du tabac, de la prévention de l’ostéoporose post ménopausique, du traitement du diabète de type 2, …Leurs informations ne sont ni complètes (oubli des effets secondaires p.ex.), ni actualisées, ni objectives. On peut s’étonner de voir des acteurs comme les mutuelles participer à ces campagnes ! Ainsi en mai 2008, les médecins généralistes belges ont reçu par la poste une boîte Sweetbee® contenant des formulaires de remboursement pour le Januvia® (médicament récent, très cher et d’utilisation très limitée) de MSD et des bons à remettre aux patients pour recevoir dans les permanences de la Mutualité Socialiste une boîte d’information gratuite sur le diabète (contenant un livre médical, un atlas alimentaire bien fait au demeurant, des offres publicitaires et échantillons de produits pour diabétiques) ainsi qu’une affiche promotionnant cette campagne.. En août 2006, c’était la mutualité Partena qui promotionnait l’usage d’une margarine particulière enrichie aux phytostérols par le biais d’un remboursement alors que les preuves cliniques de l’intérêt de l’utilisation de ce type de produit en prévention cardiovasculaire sont manquantes (Action du GRAS n°95).
Les « plans de gestion des risques » développés pour le Macugen® et d’autres médicaments sur prescription suscitent bien des questions. On voit mal comment les firmes, avec leurs conflits d’intérêts, vont pouvoir aider de manière crédible et optimale les patients à réagir devant des effets indésirables. L’expérience des ces dernières années montre que les firmes auraient plutôt tendance à minimiser, voire à dissimuler les effets indésirables de leurs médicaments. Un exemple parmi d’autres : le Zyprexa®, utilisé notamment dans la schizophrénie et les trouble bipolaires. Des documents internes à la firme Lilly accréditent l’idée que la firme aurait dissimulé des données concernant la fréquence et la gravité des risques d’obésité et d’hyperglycémie liés à l’utilisation du médicament. La FDA (agence du médicament américaine) enquête sur la suspicion de manipulation des données par la firme.
Par ailleurs, l’association britannique Consumers international, qui regroupe 220 ONG dans 115 pays, s’est alarmée, vendredi 8 février, de la récente proposition de la Commission européenne d’autoriser la publicité directe des médicaments vendus sur ordonnance auprès des consommateurs européens. Les laboratoires pourraient bientôt faire, sur le schéma existant aux Etats-Unis, la promotion de leurs produits à la télévision et à la radio. De petits films démontrant le danger d’une telle autorisation peuvent être vus sur http://www.marketingoverdose.org/
Voir aussi « Un projet européen de publicité contesté » Article paru dans l’édition du 12.02.08 http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1023993,0.html
SUITES : LLG n°71, septembre 2011
La firme Novartis a envoyé en mai 2011 aux médecins généralistes belges une fiche d’information pour médecins et pharmaciens « pour une utilisation sûre et efficace du médicament ». Cette mesure est censée garantir une utilisation sûre de ce médicament dans le cadre d’un plan obligatoire de mitigation des risques, condition de sa mise sur le marché européen. Ce « matériel éducatif complémentaire » n’apporte rien de plus que la notice scientifique si ce n’est que, pour une fois, sa police permet une lecture aisée aux patients presbytes. Si Novartis rappelle bien que ce produit ne doit pas être utilisé chez les patients asthmatiques ou susceptibles de l’être, la lettre d’accompagnement signale que ‘la bronchodilatation est la pierre angulaire de la prise en charge de la BPCO (réf GOLD 2010) ».
Tiens… et nous qui croyions que c’était l’arrêt du tabagisme ! ?
Novartis® s’est engagé à rappeler les RBP (Recommandations de Bonne Pratique) relatives à la prise en charge de la BPCO lors de la présentation de son produit. A vous de nous dire si c’est bien le cas si vous recevez encore les délégués médicaux …
AUTRE ACTION CONNEXE DU GRAS SUR CE THEME :
ACTION N°124 : LIPITOR® de Pfizer (6/2010) : un service d’éducation à la santé irremplaçable ! En juin 2010, pour rassurer le patient qui s’inquièterait devant la diminution de taille de ses comprimés de Lipitor, Pfizer a créé un carnet de feuillets destinés au patient reprenant le message « Même Lipitor®, comprimés plus petit ». On s’attendrait à mieux comme « service d’éducation à la santé ». C’est un peu gros … !