Normaliser des comportements au lieu de traiter les problèmes sychosociaux sous jacents ?
Imposés par des adultes à des enfants « difficiles » en vue de normaliser un comportement déviant, ces médicaments ne sont pas si banals : leurs effets secondaires cardiovasculaires et neurologiques ne sont pas à sous-estimer. Les répercussions à long terme de l’emploi de ces neuroleptiques chez des enfants ne sont pas suffisamment connues alors qu’on décrit une surmortalité liée à leur emploi chez les personnes âgées démentes et que l’on connaît les effets secondaires importants et souvent irréversibles des neuroleptiques de première génération.
La consommation croissante de ces produits ces dernières années inquiète certains spécialistes qui dénoncent la médicalisation à outrance de notre mode d’éducation.
Plusieurs enfants « difficiles » reçoivent des neuroleptiques sans qu’une évaluation des troubles de leur comportement n’ait été réalisée ni une psychothérapie essayée. L’accès à cette guidance psychologique se révèle limité pour des raisons financières et socioculturelles. Les intervenants, à bout, font parfois pression sur le médecin traitant pour obtenir la prescription de calmants puissants. Dans ce contexte, les familles sont demandeuses de médicaments car elles sont plus rapidement soulagées et font l’économie d’une difficile remise en question par l’enfant symptôme. Thérapie symptomatique efficace, ils peuvent améliorer la qualité de vie de certains enfants « dérangeants » et de leur famille mais masquer des problèmes psychosociaux importants : incestes ou abus p.ex. dont le dévoilement peut être retardé par l’utilisation de ces psychotrope « tranquillisants ».
DEUX OUTILS POUR REFLECHIR :
Médicalisation des troubles de comportement : un instrument de contrôle social
Des comportements comme la colère ou des actes de désobéissance ne sont pas rares chez les enfants et les adolescents. Pour certains experts, ces comportements manifestent des affirmations d’identité ou résultent de difficultés familiales, sociales ou environnementales. D’autres considèrent ces « troubles de conduites » comme pathologiques et annonçant la délinquance. Cette deuxième approche soulève des questions. Celles-ci ont été mises en évidence suite à la parution du rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale en France en septembre 2005. Elles restent d’actualité dans le contexte sociétal que nous connaissons. Téléchargeable sur www.questionsante.be
Mes neurones et moi : Sciences du cerveau et questions de société
À partir de douze histoires, les auteurs (Karin Rondia et Peter Raeymaekers, journalistes scientifiques) nous invitent à mieux comprendre, à la lumière des dernières découvertes scientifiques, ce que sont l’hyperkinésie, la dépression, la schizophrénie, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson… Ils nous expliquent l’importance de nouvelles idées comme la plasticité du cerveau ou les soubassements neuronaux de l’esprit. Ils mettent aussi en lumière les récentes évolutions des psycho-neuro-sciences, les tensions et les questions qu’elles posent. Et en fin de chaque chapitre, ils nous proposent de poursuivre la lecture grâce à une sélection de livres, publications et sites internet. Un ‘abc de nos neurones’, information scientifique de base sur le cerveau, complète la brochure.
Téléchargeable sur le site de la Fondation Roi Baudouin
Regard critique d’un psychiatre :
« “Mes neurones et moi” provient de la Fondation Roi Baudouin. Cette fondation a fait un travail de longue haleine avec des réunions de concertation de parents, enseignants… dont les comptes rendus successifs permettaient d’espérer un rapport de qualité. Les contributeurs de ce document final sont des gens sérieux dont l’honnêteté ne peut pas être mise en cause. Le discours de la brochure est intelligent et pondéré mais…..
Il y a un mais qui n’est pas évident à percevoir et qui saute au yeux des personnes dont la sensibilité est aux aguets sur ces questions.
La fondation Roi Baudouin a reçu un gros paquet d’argent de Jonhson et Jonhson qui n’est autre que le fabricant du….Concerta, médicament utilisé dans le traitement des enfants dits hyperactifs. Ce que nous avons là est un remarquable exemple de marketing intelligent. Ca a le goût et l’odeur d’une information complète et indépendante pour les patients mais ça n’en est pas. Ce qui transparaît au travers de ces lignes rassurantes, c’est la banalisation du recours au médicament à côté des autres types de prise en charge.
Or l’utilisation de ces dérivés amphétaminiques chez les enfants n’est pas un geste anodin. »
A lire en anglais : « The Last Normal Child » de Lawrence Diller
« Que faisons-nous à nos enfants ? Sommes nous dépendants d’une prescription ? » par Jerome Burne, journaliste médical, à propos du traitement des enfants par des psychotropes.
Suites : LLG n°77
Utilisation des psychotropes chez les enfants : des raisons d’être inquiet !
En Belgique, le rapport de Pharmanet sur « L’utilisation des médicaments chez les enfants » de fin 2012 consacre un chapitre 5 aux médicaments agissant sur le système nerveux. En général, tant l’administration (+9%) que les coûts INAMI (+12%) ont augmenté entre 2007 et 2011 pour ce groupe de médicaments chez les enfants. On y remarque deux pics importants : les antipsychotiques et les psychostimulants. On remarque plutôt une tendance à la baisse en ce qui concerne les antidépresseurs, sans doute suite aux recommandations de restriction d’usage chez les adolescents (voir tableau 3, page 7).
Pour 2011 et par rapport à 2007, le nombre de patients de 0 à 18 ans sous psychostimulants est de 31.158 patients (+ 33%), sous anti-épileptiques de 9.700 patients (- 1%), sous antipsy-chotiques de 14.000 patients (+ 14%) et sous antidépresseurs 8.500 patients (- 12%)