Publicité médiatique indirecte pour un médicament sur prescription.
Voici la réaction d’un de nos membres :
« En écoutant le journal parlé de 8h du matin sur Bel RTL dans ma voiture le 19 novembre courant, j’ai eu la surprise, entre deux nouvelles internationales, d’entendre le Dr X. vanter les mérites d’une nouvelle pommade réputée utile contre la dermatite atopique. Les commentaires du Dr X. abondaient dans le sens de la soi disant merveille présentée par le journaliste. Le tout avait un contenu éminemment publicitaire, bien compatible avec le profil usuel de la société éditrice. Dans son message, le Dr X. ne se contentait pas de vanter la nouvelle pommade miracle mais mettait sérieusement en avant les problèmes sévères liés à l’utilisation de cortisone cutanée dans ces indications. Le texte ci-joint est repris du site Internet de RTL : “L’eczéma, que les médecins appellent dermatite atopique est une maladie en augmentation : elle touche 2 à 3 fois plus d’enfants aujourd’hui qu’il y a trente ans. La dermatite atopique atteint entre 10 et 20% des enfants. Cette maladie apparaît à 3 ou 4 mois, évolue, puis s’estompe vers l’âge de 9 ou 10 ans. Seuls 10% des enfants touchés conserveront de l’eczéma toute leur vie. Un nouveau médicament, sans cortisone, est à présent disponible en Belgique pour lutter contre l’eczéma. Une pommade qui annule les effets indésirables de la cortisone. Ce médicament, un onguent baptisé Protopic®, est promis à un bel avenir. Son défaut : il est cher, 1 euro et demi le gramme, mais une demande de remboursement a été introduite” A l’évidence il s’agit d’un encart publicitaire dont les chiffres sont gonflés. La cortisone y est prise comme contre pied et le prix, largement prohibitif devient un argument de vente. Le Dr X. a lu un texte qui reprenait ces arguments en les développant. Le ton général du message était tel que les mères d’enfants atteints de dermatite atopique pourraient se sentir culpabilisées d’une part de ne pas utiliser le nouveau produit en raison de son coût, présenté et justifié comme élevé et d’autre part de continuer à utiliser la cortisone dont les effets secondaires ont été minutieusement décrits par le Dr X. En tant que praticien de médecine générale, je vis ces pratiques publicitaires comme hautement inadmissibles et dommageables à notre profession. Nous ne somme pas là pour vendre de la soupe ni pour vendre de l’angoisse à la population. C’est une technique bien connue pour créer un marché que d’affoler les mères sur leur comportement inadéquat et de les persuader qu’un médicament nouveau doit être utilisé quelque soit son prix. La tentation est grande de transformer une information en publicité et la frontière est étroite et souvent savamment calculée [1].
Marc Jamoulle
Le GRAS a interpellé le Ministre de la Santé, Jef Tavernier, en ces termes : « Le GRAS souhaiterait un meilleur contrôle de ce type de publicité . Ne pourriez-vous pas préciser et de renforcer les compétences et les possibilités de sanctions de la Commission de Contrôle de la Publicité mise en place au sein du Ministère de la Santé Publique ainsi que celles de l’Inspection de la Pharmacie ?. En cas de publicité mensongère avérée, ne pourrait-on pas rendre obligatoire la publication d’un rectificatif de même nature, importance et fréquence que la publicité incriminée ? Nous aurions voulu connaître votre avis et vos projets face à ce problème. »
Réaction d’un pharmacien du GRAS :
« On pourrait éventuellement faire un parallèle avec la position du pharmacien à qui des patients demandent de délivrer des médicaments qui, s’ils ne sont pas soumis à prescription, ne présentent cependant guère d’intérêt thérapeutique ou présentent un risque non négligeable,et pour lesquels une publicité omniprésente risque de faire passer le pharmacien qui ne l’aurait pas en stock ou qui ne le conseillerait pas pour un mauvais pharmacien ( anti-inflammatoires présentés comme anti-douleurs, complexes de vitamines, produits pour maigrir, xième forme galénique d’une molécule n’apportant rien de nouveau, mais aussi décongestionnants oraux, crème à la cortisone, …). »
Suites : LLG n° 46, juin 2005
La FDA, relayée par les Folia Pharmacothérapeutica d’avril 2005 (www.cbip.be), a émis récemment un avis concernant l’utilisation en pommade des immunosuppresseurs pimécrolimus (Elidel®) et tacrolimus (Protopic®) dans le traitement de la dermatite atopique en raison de l’augmentation possible du risque de cancer. La FDA a lancé ce 10 mars 2005 un avertissement concernant le risque de cancer associé aux préparations topiques de tacrolimus et de pimécrolimus utilisées pour traiter l’eczéma chez les adultes et les enfants âgés de plus de 2 ans. L’avertissement est basé sur des rapports de cancers en relation avec la dose observés chez l’animal et sur 29 cas de cancers (y compris 8 tumeurs cutanées et 12 lymphomes) constatés chez des adultes et des enfants traités avec ces médicaments immunosuppresseurs. Un rapport de cause à effet n’a pas pu être établi. [2]
Suites : LLG n°67, septembre 2010
Une lettre de la firme pharmaceutique Astellas adressée aux professionnels de la santé belges en date du 8 02 2010, validée par l’AFMPS ( l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé), rappelle plusieurs recommandations de sécurité concernant l’onguent à base de tacrolimus utilisé comme traitement initial ou d’entretien de la dermatite atopique. Il
importe d’être particulièrement prudent lors de l’utilisation de l’onguent à base de tacrolimus chez des enfants. (VIG-NEWS du 05/05/2010) www.fagg-afmps.be/fr.
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Notes
[1] Ray Moynihan, Iona Heath, David Henry, and Peter C Gøtzsche Selling sickness : the pharmaceutical industry and disease mongering • BMJ 2002 ; 324 : 886-891
[2] ML. En bref- Elidel et Protopic. Med Letter 2005 ;27(9):43.