Avastin® (bévacizumab) est un médicament anticancéreux qui est proche, de par son mode d’action, de certains médicaments, beaucoup plus chers (Lucentis®, Macugen®) utilisés en ophtalmologie pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Les ophtalmologistes sont confrontés à un dilemme au moment du choix d’un anti-VEGF pour les patients atteints de DMLA : soit un médicament (commercialisé par Novartis) validé par de sérieuses études randomisées mais vendu plus de 1200€ par injection, soit la « molécule-mère » du précédent (commercialisée par Roche), utilisée largement en raison de son prix 30 fois moindre, mais non « validée » pour un usage intra-oculaire…
Article publié dans La Lettre du GRAS n°72 de décembre 2011
Action n° 130 – mise à jour LLG n°74
SUITES : La firme NOVARTIS fournit gratuitement du Lucentis ® (ranibizumab) aux ophtalmolo-
gues appelés à traiter par injections intravitréennes des DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée
à l’Age) hors conditions de remboursement INAMI en Belgique. Le Lucentis® risque d’être
prochainement concurrencé par l’Avastin® (bévacizumab) qui, suite aux études CATT (USA) (1) et
IVAN (UK) (2), pourrait bénéficier bientôt d’une indication thérapeutique dans la DMLA au niveau eu-
ropéen. L’Avastin® est 30 fois moins cher que le Lucentis, produit par le même groupe pharmaceutique.
Ce serait la première fois qu’une indication thérapeutique serait reconnue à un médicament suite à des
études cliniques financées par des pouvoirs publics et contre la volonté d’une firme productrice de ce
produit !
cfr http://www.lefigaro.fr/sciences/20070219.FIG000000129_la_guerre_des_medicaments_contre_la_cecite.html
Ce 12 juillet 2012, l’AFMPS belge a envoyé une lettre aux ophtalmologues leur déconseillant d’utiliser
le bevacizumab (Avastin®) pour le traitement de la DMLA humide sauf dans le cas d’une étude clini-
que approuvée par l’AFMPS et le Comité d’Ethique. L’AFMPS rappelle que le médecin est tenu respon-
sable au niveau médico-juridique s’il prescrit l’Avastin en dehors des indications autorisées.
- www.med.upenn.edu/cpob/studies/CATT.shtml
- http://cteu.bris.ac.uk/trials/ivan
Mise à jour 08.2012
Pour une efficacité similaire, l’anticancéreux Avastin® coûte 25 fois moins cher que le Lucentis, médicament spécifique au traitement de la DMLA. Mais il n’a l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) pour cette indication dans aucun pays. De nombreux ophtalmologues hospitaliers utilisaient l’Avastin® au lieu du Lucentis®. Il faut toutefois déconditionner l’Avastin® pour l’utilisation ophtalmologique à faible dose.
Du fait de cas groupés d’infection de l’oeil aux États-Unis avec l’Avastin® déconditionné, la DGS (Direction Générale de la santé) en France et l’AFMPS (Agence Fédérale du Médicament et des Produits de Santé) en Belgique viennent de recommander l’arrêt de cette pratique en attendant une AMM qu’obtiendrait Roche dans cette indication pour l’Avastin®. Sauf qu’on ne voit pas pourquoi Roche la demanderait pour cause d’intérêts dans le Lucentis® : Genentech a mis au point une molécule qui bloque le développement des vaisseaux sanguins et l’a vendue à Roche, qui a développé l’Avastin® (Bevacizumab) contre le cancer, et une molécule identique, ou presque, à Novartis qui a produit de son côté le Lucentis® (Ranibizumab) contre la cécité. En 2009, Roche est devenue propriétaire de Genentech et, à ce titre, perçoit depuis lors des royalties sur le Lucentis®.
Mise à jour 10.2012
Dans une interview publiée sur le site Pharmaceutiques.com, Severin Schwan, CEO du groupe Roche, a récemment rappelé qu’il était hors de question pour son laboratoire de demander une AMM en ophtalmologie, et ce pour une question de santé publique !
SUITES : LLG n°80, mars 2014
L’Avastin® était, et reste toujours, bien moins cher que le Lucentis® (ranibizumab), le traitement officiel : 30 euros la dose d’Avastin®, contre près de 900 euros celle de Lucentis®. Le Lucentis® était en 2012 le médicament qui coûtait le plus cher à l’assurance maladie (ndlr. en France) : 389 millions d’euros. Finalement, l’Avastin®, équivalent au Lucentis® dans la dégénérescence maculaire liée à l¹âge (DMLA) et plus de 20 fois moins cher, pourrait être autorisé en France dans le cadre d’une recommandation d’utilisation temporaire (RTU). [1]
En Italie, l’autorité de la concurrence a annoncé une amende de 182,5 millions d’euros pour Roche et Novartis. Elle considère que les deux laboratoires se sont entendus pour, précisément, freiner le développement de l’Avastin®. [2]
Par ailleurs, en novembre 2013, la Cour de justice européenne a autorisé l’Avastin® dans la DMLA. [3]
Dans tout ce dossier, on peut déplorer la relative passivité des autorités publiques belges et des mutuelles chargées pourtant de défendre les intérêts des patients [4]. Même le Syndicat Belge des Médecins spécialistes en Ophtalmologie (SOOS) a réagi par voie de communiqué.
En France, l’UFC-Que Choisir a saisi le 03 avril dernier l’Autorité de la Concurrence à propos des éventuelles pratiques anticoncurrentielles des laboratoires Roche et Novartis. Que Choisir presse le gouvernement français de publier enfin le décret sur les RTU pour motif économique qui permettra à l’ANSM d’autoriser l’Avastin® dans le traitement de la DMLA et exhorte les parlementaires à mettre en place une commission d’enquête. [5] En Belgique, Test-Achats a aussi réagi en mars 2014 [6].
SUITES : LLG n°99, octobre 2017
Diminution du prix facial du Lucentis (Novartis) en Belgique, allongement de la durée de son remboursement par l’INAMI et assouplissement des conditions de remboursement, c’est l’aboutissement de négociations et accords tenus secrets suivant les termes de l’article 81 entre la Ministre de la Santé et la firme … plutôt que d’autoriser l’utilisation de l’Avastin (bévacizumab), beaucoup moins cher, dans le traitement de la DMLA.
SUITES : LLG n°104, mars 2018
La condamnation en Italie de Roche et de Novartis concernant leurs produits Avastin-Lucentis (utilisés dans le traitement de certaines maladies rétiniennes) a finalement été portée devant la Cour européenne de justice. La Cour a récemment prononcé un verdict favorable aux autorités italiennes de la concurrence. Dans cet arrêt, la Cour précise que les règles de l’UE en matière pharmaceutique n’interdit ni la prescription d’un médicament en dehors des conditions fixées dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ni son reconditionnement pour une utilisation non conforme, moyennant certaines conditions à vérifier par les juridictions ou les autorités nationales. La Cour note ensuite que, pour le traitement des maladies oculaires, il existe une relation spécifique de substituabilité entre Lucentis et Avastin lorsqu’il est utilisé hors indication enregistrée.
La Cour relève qu’un arrangement entre deux entreprises commercialisant deux médicaments, qui consiste à diffuser, dans un contexte d’incertitude scientifique, des informations trompeuses relatives aux réactions résultant de l’utilisation non conforme d’un de ces produits en vue de réduire la pression concurrentielle exercée sur l’autre produit constitue une restriction de concurrence. La Cour explique que l’information doit être considérée comme trompeuse (ce qui est à déterminer par les juridictions nationales) si son objet est, d’abord, de confondre l’EMA (Agence Européenne du Médicament) et la Commission et, deuxièmement, de souligner, dans un contexte d’incertitude scientifique, la perception des risques associés à l’utilisation hors AMM d’Avastin.
En Belgique, les prix de Lucentis et Eylea (utilisés dans le traitement de certaines maladies rétiniennes : DMLA et pour la rétinopathie diabétique) ont baissé, probablement suite à cette procédure, au risque pour la firme de voir l’Avastin enregistré dans cette indication. L’Avastin reste utilisé par les ophtalmologues pour les cas “hors normes, hors remboursement “, conditionné par les pharmacies d’hôpital, ou vendues en seringues préparées par une société hollandaise. Les études actuelles visent à définir les modalités optimales d’injection à long terme : comment espacer la durée entre les injections pour qu’il n’y ait pas de rechute.
Gageons que cet arrêt de la Cour européenne de justice motivera nos autorités belges à enfin agir et à adopter une politique plus ferme vis-à-vis des firmes concernées, en coordination avec les autres pays européens !
SUITES LLG n°136 – Décembre 2024:
Philip Rosenfeld (Rosenfeld P.J., Am J Ophtalmol. 2018 Jul;191: 135-139) avait calculé que l’utilisation du bevacizumab pour le traitement de la DMLA entre 2015 et 2018 avait permis d’économiser 17,3 milliards de dollars US aux USA. Somme à doubler si on inclut les patients traités pour rétinopathie diabétique ou thrombose veineuse rétinienne. Economies que plusieurs pays d’europe, dont la Belgique et la Suisse (RTS) ont fait le choix de ne pas profiter !!
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Notes
[1] www.quechoisir.org/sante-bien-etre/maladie-medecine/medicament/actualite-avastin-enfin-autorise-dans-la-dmla
[2] www.quechoisir.org/sante-bien-etre/maladie-medecine/medicament/actualite-avastin-enfin-autorise-dans-la-dmla
[3] www.quechoisir.org/sante-bien-etre/maladie-medecine/medicament/communique-traitement-de-la-dmla-avastin-lucentis-apres-l-autorite-de-la-concurrence-l-ufc-que-choisir-saisit-les-pouvoirs-publics
[4] www.quechoisir.org/sante-bien-etre/maladie-medecine/medicament/communique-traitement-de-la-dmla-avastin-lucentis-apres-l-autorite-de-la-concurrence-l-ufc-que-choisir-saisit-les-pouvoirs-publics
[5] www.quechoisir.org/sante-bien-etre/maladie-medecine/medicament/communique-traitement-de-la-dmla-avastin-lucentis-apres-l-autorite-de-la-concurrence-l-ufc-que-choisir-saisit-les-pouvoirs-publics
[6] www.test-achats.be/sante/medicaments/en-direct/roche-et-novartis-a-lamende-pour-pratiques-illegales-et-contraires-a-lethique