Remboursement des médicaments innovants sous convention article 81 / 111 : entourloupette administrative pour négocier des rabais sur le prix facial et des “contrats secrets”.
Le GRAS a contacté le CBIP pour regretter la perte de visibilité dans le Répertoire Commenté des Médicaments de l’information symbolisée par un « T » concernant le remboursement temporaire d’un médicament relatif à l’article 81/111. Le CBIP nous a répondu examiner la question suite aux problèmes informatiques qu’elle pose.
Voir les actions du GRAS à ce sujet :
ACTION N° 163 : Remboursement des médicaments innovants sous convention article 81 (11/2018)
Ceci étant dit, les déremboursements après remboursement temporaire sont exceptionnels. En effet ces remboursements temporaires sont utilisés en théorie quand les données sont insuffisantes que pour se prononcer sur la valeur ajoutée du médicament lors de la première admission au remboursement dans l’idée qu’une réévaluation ultérieure permettra d’avoir des données plus complètes. En pratique les réévaluations ultérieures après 2 ou 3 ans n’apportent pas grand chose (pourquoi la firme se fatiguerait-elle a fournir de meilleures données si le médicament est remboursé ?), les déremboursements sont rarissimes et ce remboursement “temporaire” n’est qu’une entourloupette administrative pour négocier des rabais sur le prix facial et des “contrats secrets». Les prolongations de ces remboursements temporaires se multiplient. Ainsi par exemple l’Eliquis est sous remboursement temporaire depuis 2012.Mais bien sur, il reste important que le médecin soit au courant de la nature “temporaire” du remboursement
Conventions échues 81/111 (Rapport MORSE 2021 – chiffres 2020) :
Pour 7 des 145 conventions arrivées à échéance, une nouvelle procédure CRM n’a pas été entamée (4,38 %).
Pour 28,28 % (41/145) des conventions échues, une nouvelle procédure CRM a été lancée et la spécialité/l’indication a été définitivement inscrite dans la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables
Pour 60,69 % (88/145) des conventions échues, une nouvelle procédure CRM a été lancée et la spécialité/l’indication a à nouveau été inscrite temporairement dans la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables via une nouvelle convention.
Dans 5,52 % (8/145) des conventions échues, une nouvelle procédure CRM a été lancée mais la remboursabilité n’a pas été retenue (définitivement ou temporairement). Par conséquent, la spécialité/l’indication n’est plus remboursable.
Dans 31 des 64 dossiers (48,4 %) où la CRM avait émis un avis négatif, une convention a finalement été conclue.
Une convention est conclue pour 76 % (57/75) des demandes relatives à des médicaments orphelins.
Plusieurs tableaux comparent les décisions du Ministre de rembourser un médicament suivant l’avis positif ou négatif de la CRM (Commission de remboursement INAMI)
Le caractère confidentiel des contrats à la base du remboursement temporaire des médicaments entraine un manque croissant de transparence dans la dépense des fonds publics et une impossibilité grandissante d’évaluer le rapport coût-efficacité de ces/des médicaments. Dans ce secteur plus de la moitié des dépenses sont consacrées aux médicaments biologiques
La croissance des dépenses de l’assurance maladie pour les spécialités pharmaceutiques s’explique par une forte augmentation des dépenses pour les médicaments antitumoraux, suivis par les immunosuppresseurs. Une autre observation est que ce ne sont pas les médicaments les plus chers (en termes de coût annuel moyen par patient) qui pèsent sur le budget, mais les médicaments coûteux — en majorité, nouveaux et remboursés temporairement par l’AO — qui sont utilisés par un groupe cible de plus en plus important.
A épingler : la courbe du Glyvec (qui ne bénéficie plus du statut de médicament orphelin) p.130 (figure 89), à partir de fin 2017.
Plusieurs médias dès 2017 avaient déjà tiré la sonnette d’alarme par rapport à ces conventions secrètes « article 81/111 » : Medor (en 2018), Santé Conjuguée, Le Vif et le KCE.
KCE_Article 81.pdf : PISTES POUR AMÉLIORER LE SYSTÈME BELGE DE CONVENTIONS ARTICLE 81(5/2017)
– SUITES – LLG 123
Les licences obligatoires sont-elles une solution contre les prix élevés des médicaments ? KCE Reports 356B (2022)
Partout dans le monde, les prix croissants des médicaments innovants exercent une pression difficilement supportable sur les systèmes de santé. L’avenir suscite des inquiétudes plus fortes encore, car la médecine va vers des traitements de plus en plus personnalisés, et donc vers des médicaments de plus en plus complexes…et onéreux.
L’octroi de licences obligatoires par les autorités publiques est parfois évoqué comme une solution (PTB) afin de pouvoir fabriquer et mettre sur le marché des versions meilleur marché de médicaments onéreux. La Commission de la Santé et de l’Égalité des chances de la Chambre a demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) d’évaluer dans quelle mesure cet instrument pourrait être mis en œuvre chez nous.
Il ressort de l’étude, menée en étroite collaboration avec des équipes coordonnées par l’Universiteit Antwerpen et la KULeuven, que les licences obligatoires sont un mécanisme qui permet de pondérer la protection étendue conférée par les brevets lorsque celle-ci semble déséquilibrée. Elles ne peuvent toutefois être utilisées que dans des circonstances exceptionnelles, et comme un outil parmi d’autres pour tenter de préserver un prix abordable pour les médicaments. Chaque situation doit donc être envisagée au cas par cas. Les chercheurs considèrent également qu’il est nécessaire de se coordonner avec d’autres pays européens. Lire plus…
Combien coûte réellement le Paxlovid® ?
Paxlovid : pourquoi est-il si cher ?
Le site Devex annonce que « Pfizer a un accord de licence avec le Medicines Patent Pool qui permet à une version générique du médicament Paxlovid® d’être produite et vendue dans 95 pays à bas et moyens revenus ; … La Clinton Health Access Initiative a également lancé une initiative visant à rendre disponibles des versions génériques du médicament à 25 $ par cours. »
En Belgique, suite aux négociations secrètes avec Pfizer (Article 81-111), on ignore toujours combien coûte ce médicament conseillé par l’OMS pour traiter certains cas de Covid non hospitalisés à risques de complications. Moins d’enthousiasme du côté des balises belges pour la prise en charge médicamenteuse ambulatoire de la COVID-19 et du CBIP qui émettent un “avis favorable de force faible” pour l’utilisation du nirmatrelvir + ritonavir (Paxlovid®) chez les patients sévèrement immunodéprimés, dans les 5 jours suivant les premiers symptômes et après évaluation du risque d’interactions. Pour Prescrire (Avril 2022), ce médicament apporte quelque chose chez certains patients à risque de forme grave.