La Lettre du GRAS n°128 (Octobre 2023)

Union européenne de la santé: Un espace européen des données de santé (EHDS) pour les personnes et pour la science

L’Europe cherche à développer des techniques qui garantissent la protection de la vie privée de données relatives à la santé. L’enjeu crucial, c’est que ces données sont pratiquement impossibles à anonymiser, ce qui signifie qu’il est relativement facile de les identifier comme étant les vôtres. Objectif très attractif pour des cyberattaques susceptibles de revendre ces données…

D’après European Public Health Alliance, 75 % des Européens ont déclaré dans un récent sondage Ipsos qu’ils n’étaient disposés à autoriser les chercheurs à accéder à leur dossier médical que si on leur avait demandé leur consentement explicite, mais le système européen de protection des données tel qu’il est proposé par la Commission européenne ne prévoit pas de demander la permission aux patients ; il n’inclut même pas le droit de s’opposer à ce type de partage de données.

Sans l’obligation de consentement pour l’utilisation secondaire de ces données de santé (càd pour un autre but que vous soigner, pour la recherche scientifique p.ex. mais aussi pour la commercialisation de technologies de santé ou de médicaments), l’EHDS rendrait les professionnels de la santé complices de la commercialisation et de la monétisation forcées de notre santé.

L’un des points de désaccord entre la Commission et le Parlement européen semble porter sur cette utilisation secondaire des données de santé. Selon la proposition initiale, les données de santé, anonymes ou simplement pseudonymisées, pourraient être consultées par des tiers (selon des règles et des conditions spécifiques) pour soutenir la recherche, l’innovation et l’élaboration de politiques de santé publique sans le consentement des citoyens. La majorité des députés européens, quant à eux, estiment que ces avantages en matière de santé publique doivent être mis en balance avec le droit à la vie privée des citoyens. Bien qu’il soit d’accord sur la nécessité d’un modèle basé sur le consentement pour l’utilisation secondaire des données de santé, le Parlement est divisé sur la question de savoir si ce consentement doit être explicitement demandé aux citoyens (modèle “opt-in”) ou supposé avec la possibilité pour les citoyens de révoquer ce consentement (modèle “opt-out”).

Une intéressante lettre de l’European Public Health Alliance (en anglais) du 1/05/2023 reprend certains éléments de ce débat.

Données de vie réelle:

À la demande de l’INAMI, le KCE a examiné comment des données de vie réelle (real-world data ou RWD) en provenance des bases de données nationales belges pourraient être utilisées pour évaluer l’impact budgétaire des nouvelles technologies. https://kce.fgov.be/sites/default/files/2023-06/KCE369Bs_Analyses_Impact_Budgetaire_Transversales_Synthese.pdf

cfr. ACTION N° 177: Etudes de données en vie réelle (Real data) (4/2019): les professionnels doivent apprendre à les critiquer 25 janvier 2021

ACTION N° 178 (10/2020) : Le secret médical à l’épreuve du COVID-19: le RGPD en souffrance, les GAFA prospèrent SUITES:

L’attaque dont a fait l’objet les serveurs informatiques des hôpitaux Vivalia (Libramont, Arlon, Marche)  a obligé les médecins à transférer des résultats confidentiels via des mails non sécurisés, eHealth étant inaccessible depuis les ordinateurs des cliniques concernées. 

Mieux connaître les données de santé pour mieux s’en servir (Appel à projet)
Avec cet appel à projets, la Fondation Roi Baudouin cherche à soutenir des organisations proches des patient·es qui souhaitent développer des initiatives visant à améliorer les connaissances en matière de données de santé des citoyen·nes et des patient·es et à stimuler leur utilisation critique et leur gestion par ces mêmes personnes.   Plus d’infos

Les solutions de santé de Colruyt:  Colruyt poursuit le développement de son pôle santé numérique. Colruyt s’investit dans la plate-forme Yoboo, qui se présente comme orientée vers la promotion de modes de vie plus sains – mais liée à des pharmacies. Difficile d’y voir de l’altruisme et un réel souci de la santé publique…

Les pressions de Pharma.be: L’industrie pharmaceutique, par la voix de Pharma.be, s’engage à poursuivre  auprès des patients un accès aux traitements de pointe pour autant que les délais d’évaluation soient prévisibles, que les processus de remboursement restent  favorables et qu’il y ait un engagement urgent du gouvernement en faveur du partage des données – ce qui est entièrement dans leur intérêt… La rhétorique de l’innovation laisse sous-entendre que les nouveaux médicaments sont meilleurs que les anciens, mais la plupart des études estiment que seulement 15% des nouveaux médicaments sont meilleurs que les anciens (voir à ce sujet Wieseler, BMJ 2019   https://www.bmj.com/content/366/bmj.l4340).

“L’accès rapide à l’innovation” est un argument utilisé par l’industrie pour justifier de mettre sur le marché des médicaments aux bénéfices de plus en plus incertains , en transférant la charge de preuves depuis la phase pré-marketing vers la phase post-marketing . Est-ce vraiment au bénéfice des patients, au vu du nombre de médicaments qui se révèlent a posteriori ne pas tenir leurs promesses?  Voir étude KCE sur les nouveaux médicaments en oncologie.